2017 aurait du commencer par une bonne nouvelle ( le lancement d’un livre atypique : « Eco enluminures, cris de la terre » de Sérgio Bello) , hélas nous apprenons la disparition de Laurent Danchin, grande figure de la dissidence française.
Commissaire de nombreuses expositions d’Art Brut à la Halle St Pierre, correspondant de la revue internationale Raw Vision, Laurent Danchin fut un des premiers à publier contre l’AC (soit l’Art officiel, potentiellement financier), terme qu’il avait contribué à créer et diffuser. Il vit ces dernières années l’AC s’accaparer et financiariser un Art Brut méprisé jusque là. Longtemps, Danchin imagina que l’Art Brut apporterait fraîcheur et innocence « au sein d’une scène artistique particulièrement perturbée et indéchiffrable, (…) tout en rappelant, contre l’abus et l’imposture, ce qu’est la vraie création, Mais «cet enfant sauvage, mal élevé, qui n’aurait jamais été admis à la table des bourgeois, fait désormais l’objet, tous azimuts, d’une intense campagne de nettoyage et de récupération, (…)submergé au passage par la foule des opportunistes, des arrivistes ou des imposteurs », écrivait-il en 2014 (1).
Fils d’universitaire, Danchin détestait l’Université pour son absence de curiosité, son fractionnement du savoir, ou son approche de l’Art théorique, « objective », en un mot conceptuelle. Diplôme en histoire de l’art à Paris X, titulaire d’ un DEA d’esthétique à la Sorbonne, il fit Normal Sup et devint professeur de lettres à Nanterre et Boulogne Billancourt expérimentant au quotidien, pendant 30 ans, la banlieue et les marges : il en gardait une passion pour la culture générale, seule capable d’empêcher l’émiettement d’une société devenue babélique. C’est ainsi qu’un ministère de la Culture séparé de l’Education contraint automatiquement, selon lui, la Culture à devenir de la consommation, un divertissement. Ses talents de pédagogue lui permettaient de défendre brillamment sa passion pour l’Art brut, la culture dite « populaire », les « autodidactes » ou les créateurs singuliers comme Chomo, sculpteur ermite de Fontainebleau dont il fut l’ami. Son œuvre a participé à la prise de conscience du totalitarisme « soft » que nous subissons. Il est l’auteur d’une grande bibliographie sur l’Art contemporain montrant, depuis 1980, l’ampleur du débat, quoique souvent souterrain.
Son érudition, sa bonhommie et sa profondeur nous manqueront.
Il nous reste plusieurs vidéos, comme celle sur » la critique cultivée de l’Art contemporain » cliquez . Animé avec Jean-
Christine Sourgins
1) Préface de Aux frontières de l’art brut, un parcours dans l’art des marges, de Laurent Danchin, Collection mycelium, Éd. lelivredart 640 p., 28 €.