« Napoléon n’est plus », ouvrira le 7 mai aux Invalides à Paris : rarement une exposition aura si concrètement illustré son titre : un cas, dans l’art de flinguer le patrimoine national aux frais du contribuable, sinon ce n’est pas drôle. Pour l’occasion, le très sérieux (enfin en principe) Institut national d’histoire de l’art invite des pointures de l’AC à produire des œuvres « en relations directes ou obliques avec l’iconographie napoléonienne » ; « obliques » ? Doux euphémisme.
Pascal Convert, investit le dôme qui protège (en principe) le tombeau de Napoléon ; il ne s’intéresse pas à l’Empereur mais à Marengo, son pur-sang arabe. Les anti-spécistes nous rabâchent que l’animal est plus important que l’homme, les Invalides le prouvent. Confisqué à Waterloo, le cheval mourut en Angleterre, son squelette préservé : la gloire posthume de la cavale serait, nous dit le Monde (très sérieux, lui aussi), « une preuve de la vigueur de la légende Napoléonienne ». Le vrai squelette, trop fragile pour être déplacé, fut scanné et imprimé en 3 D pour être suspendu au-dessus du tombeau de Napoléon : les dadaïstes en rêvaient, la macronie va le faire !
Évidemment, il y a un méchant dans l’affaire : l’historien Thierry Lenz, spécialiste de l’Empereur, sert de bouc émissaire. Sa faute ? Il a protesté et mis en ligne une pétition (maintenant disparue), sur l’air de « Duchamp réveille-toi, ils sont devenus fous ». Il n’arrive pas à comprendre « comment on peut réhumaniser Napoléon en suspendant un squelette en plastique »sic au-dessus de son tombeau. Vous n’allez pas le croire mais cet historien n’est pas convaincu du discours de l’artiste qui revendique « une sorte de « rituel » sic « pour ramener le cheval de la dernière défaite, vers la tombe de son cavalier », « la position du squelette évoque Pégase, cheval de l’envol et de la chute du demi-dieu Bellérophon, victime de la colère de Zeus ». Et pourquoi pas une des cavales de l’Apocalypse pendant qu’on y est ? En temps d’épidémie, voilà qui est pertinent : rien de mieux qu’un squelette pour remonter le moral de la population ! Est-ce que la dérision doit côtoyer les lieux où la nation rend hommage aux soldats, gendarmes etc. morts pour notre sécurité ? Dans l’art de verser de l’huile sur la déprime des militaires, voilà un remède de cheval !
La laïcité devrait s’abstenir de tout « rituel », rappelons (logique élémentaire), qu’une pratique ne peut porter le nom de « rituel » que si elle est partagée majoritairement par une population : sinon c’est une marotte personnelle. Un tombeau, surtout en ces temps d’hécatombe, mérite, ne disons pas du respect c’est ringard, mais un peu de silence et circonspection. Sinon j’ai bien peur qu’un jour « aller danser sur nos tombes », ne devienne chic et branché.
Au chapitre des « destructions massives » déguisées en progrès culturel, les NFT : vous pouvez lire mon article mais uniquement sur le site de Causeur cliquer. Cette trouvaille informatique est capable de certifier l’image d’une œuvre d’art pour se vendre à prix d’or. Mais imaginez que le propriétaire du « Sauveur du monde », le tableau le plus cher du monde, ait compris plus tôt que l’attribution à Vinci était si controversée. Avant que la polémique ne rebondisse et ne plombe la valeur de son bien, n’eût-il pas intérêt à produire et vendre un NFT, dans l’euphorie de son enchère record ? Le NFT aurait sans doute dépassé le prix de l’œuvre physique et (oh, quel dommage !) un malencontreux incendie aurait ensuite réduit en cendres le Sauveur. Il n’en resterait que le NFT, éternellement cessible pour la plus grande joie des spéculateurs ! Pour montrer le chemin de cet iconoclasme juteux, Banksy a déjà détruit une de ses œuvres en direct … décuplant la valeur de son NFT …
Portez-vous bien : la vie culturelle devrait repartir le 19 mai, (si la cavale infernale des Invalides ne nous porte pas la poisse !)
Christine Sourgins Historienne de l’art