Le petit Noël de l’Art contemporain

21 décembre 2015

Vous en rêviez  : votre parking personnel burénisé avec rayures noires et blanches. Ou encore votre vide-ordure transformé en white-cube : zéro déchet, zéro odeur , parfaitement « clean » !  Bref, vous rêviez d’art très contemporain à domicile : Fleur Pellerin va le faire . Jusque là, le 1% s’appliquait aux constructions publiques, il va désormais concerner les constructions ou les rénovations de bâtiments privés. Le ministère de la culture vient de passer un accord avec treize poids-lourds de l’immobilier, tous  signataires d’une charte « 1 immeuble, 1 oeuvre » , s’engageant à faire appel à un artiste d’art contemporain »  quelle que soit la taille du programme ». Jusqu’ici tout va bien, qui ne voudrait pas d’une fresque ou d’un relief qui égaye les parties communes de son immeuble ?

Problème  : au lieu de laisser les acteurs s’organiser et choisir par eux-mêmes, voir de demander leur avis aux habitants, ces entreprises seront prises en main par les services du ministère et bien sûr les DRAC (Directions régionales des affaires culturelles) ; » la galerie ou le représentant de l’artiste, s’il en a, seront associés ». Le « comité stratégique » chargé de délivrer le label « 1 immeuble, 1 oeuvre » comprend deux représentants du ministère et trois personnalités qualifiées :  le président du Palais de Tokyo (eau, gaz et AC à tous les étages), Jean de Loisy, l’artiste Fabrice Hyber ( connu pour n’avoir jamais eu de galièriste et avoir fait sa carrière aux frais de l’Etat) et  Marion Papillon fille de la galiériste Claudine Papillon…… plus d’infos

Les entreprises prendront « en charge les coûts de production et d’installation de l’oeuvre commandée » ; elles  rénuméront l’artiste. C’est à voir. Nombre d’oeuvres d’AC ne sont pas durables et se détériorent en permanence, leur entretien est un tonneau des Danaïdes qui engloutit l’argent du contribuable. Les locataires ou les petits propriétaires devront-ils payer à leur tour cet entretien défectueux ? Chacun se rappelle les exigences de Buren, pour mémoire voici l’état actuel de la perspective Karavan à Nanterre-Préfecture ( ses 12 cubes de verres sont détériorés et restaurés à prix d’or depuis plus d’une décennie (1)) cliquez. Actuellement l’un d’eux porte un joli costume de contreplaqué et ô surprise, le Père Noël est déjà passé : une chaise a été glissée à l’intérieur par les petits jeunes du quartier  en pleine créativité…

D’ici à ce qu’on vous impose des boîtes aux lettres Sophie Calle ou un escalier à la Boltanski, vous pouvez déjà admirer de l’art façon Potemkine, à la Roche sur Yon, où le trompe l’oeil si ringardisé par les élites culturelles, devient, tout à coup, très mode  : cliquez

Pour relooker nos égoûts, la Drac et le comité « 1 immeuble 1 oeuvre » ont déjà une fine équipe toute trouvée (et pour pas cher : 800 000 euros ) : cliquez

Enfin, ceux qui sont d’humeur souriante  peuvent visionner un reportage de Canal plus à la FIAC  : http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-petit-journal/pid8305-panayotis.html?vid=1325227  Remarquons au passage  que la nouvelle génération, même médiatique, est moins encline à l’adoration béate de l’AC , une petit note d’espoir quand même.

Très bon Noël à tous, rendez-vous en 2016

Christine Sourgins

(1) cf Christine Sourgins ,« Les Mirages de l’Art contemporain »  les mésaventures de la Perspective Karavan sont narrées pages 122 à 124 : en 2000, chaque vitre coutait 70 000 francs ; il y en a 5 par cube…