Remous financiers dans l’art…

28 février 2022

A l’heure de l’arme bancaire (et du système Swift), le milieu de l’art est agité de remous financiers. Les NFT, ces cartes non plus postales mais digitales, objets numériques protégés et certifiés, sont si mode que les musées s’y mettent : le British muséum a vendu 200 œuvres numérisées d’Hokusaï, puis 20 aquarelles de Turner. Avec NFT « unique » (un seul exemplaire existant), « ultra rare » (deux exemplaires), « limité » (1000) et « commun » (10 000, les prix débutant vers  500$) : en multipliant les NFT comme une planche à billets, leur valeur peut-elle être pérenne ? Certains les ont déjà utilisés pour blanchir de l’argent sale, jusqu’à ce que le fisc britannique saisisse 3 NFT qui détournaient 1,4 million de livres sterling, avec mise en garde aux futurs acheteurs. Comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que Meta (la nouvelle version de Facebook qui s’est mis à muter comme un vulgaire virus) se plante avec une super-méga vente de NFT dans le Métavers : on allait-voir ce qu’on allait voir et la prouesse technique a réussi … une vente ! La montagne (de données) NFT peut donc accoucher d’une souris (informatique bien-sûr). Autre briseur de monde cybernétisé, l’US Copyright Office qui a décidé qu’une intelligence artificielle ne peut détenir des droits d’auteur sur une œuvre.

Sur l’air de « y’a pas de petit profit » la mairie de Paris  pressure de redevance le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris : un rapport parlementaire la prend la main dans le sac des donateurs. Au Palais de Tokyo, la fréquentation, après un pic de 720 000 visiteurs en 2018, a chuté à 295 000 en 2021 (1). Malgré la perfusion du ministère de la Culture (5,2 millions d’euros sur trois ans), les mécènes risquent « d’aider » en colonisant la programmation(2). Dans ce contexte, qui ne risque pas de s’arranger avec les bruits de bottes, le Centre des monuments nationaux, annonce la fin du « monoculturel » : les monuments doivent s’adapter, répondre à l’urgence sociale comme aux besoins financiers de l’institution. En 2021 le réseau a perdu plus de la moitié de sa fréquentation pré-Covid. C’est l’Hôtel de la Marine et son nouveau modèle patrimonial qui est l’exemple à suivre : y coexistent espaces de coworking, siège d’une fondation mémorielle, activités commerciales de restauration… Le patrimoine est donc promis aux « tiers-lieux », et même à un usage médical : un centre de vaccination a ouvert dans les tours de la Rochelle ; les dons du sang devraient se multiplier dans les monuments cet été…

Petite embellie pour les artistes,  le réveil d’un serpent de mer : la rémunération du droit d’exposition (dans les structures bénéficiant d’un soutien de l’État.). Des députés veulent l’inscrire dans le code de propriété intellectuelle. A terme des peintres, par exemple exposés en mairie, se verraient ainsi rétribués comme les musiciens dont l’œuvre est diffusée en public…

Christine Sourgins

(1) Soit moitié moins qu’en 2019 et à peine mieux qu’en 2020.

(2) En 2006, déjà, l’exposition Nivea transformait les artistes en promoteurs de la marque. En 2021, Burberry fait son show  au  Yoyo, la boîte de nuit du Palais,  car la marque  sponsorise l’exposition d’Anne Imhof, une « artiste-maison » qui a scénarisé son défilé de mode…