Un art toxique ?

23 mai 2023

Soulages coule

Les feux de l’actualité auraient-ils chauffé trop fort pour que le noir de trois Soulages se liquéfie en partie ? Ce suintement commença dès les années 90 ; le peintre ne comprenait pas, son huile étant classiquement siccativée au plomb avec un noir d’Ivoire.  Les coulures ne seraient visibles, nous assure-t-on, qu’à un oeil « expert » (notez que le grand public, censé éduqué par des décennies de politiques culturelles, n’aurait toujours pas « l’œil » !). Or les experts se perdent en suspects (préparation au blanc de plomb, conditions de séchage, de vernissage, de parcours, de conservation etc.) d’autant que fondent également des tableaux de Willem de Kooning, Joan Mitchell, Karel Appel, Jean Paul Riopelle ou Georges Mathieu ou André Marfaing. Or tous, américains, canadien ou français, vivaient à Paris au même moment, utilisant les mêmes produits. Et là, un nouveau suspect s’invite : en 1959-60, l’hiver à Paris fut très froid avec une pollution au sulfure importante (et re-voilou une cause de dérèglement climatique !) qui, mélangé au chauffage des ateliers, aurait altéré la peinture à terme…

Œuvres cancérigènes

La défectuosité, voire la toxicité des œuvres, interroge peu. Certes, on suspecte que la polyarthrite rhumatoïde de Renoir ou Dufy (la Fée électricité de ce dernier dû être désamiantée en 2006 !) est liée au maniement des peintures mais qu’un Soulages finisse centenaire rassure. Or, on a allégrement sous-estimé le risque des solvants (1) et l’AC, non seulement multiplie les résines époxy au potentiel allergisant, mais certains artistes, comme Damiens Hirst, ont délibérément choisi le danger : alors qu’une solution à base d’alcool, moins nocive, était possible Hirst préféra le formaldéhyde pour ses célèbres animaux morts (vache et veau coupés en deux, agneau plongé dans le formol), car « c’est dangereux, ça brûle la peau, si on l’inhale, on suffoque »sic. Ce gaz inflammable est facteur possible d’asthme comme de cancer. La Tate Gallery, qui exposa en 2012 ces œuvres aux effluves potentiellement dangereuses, a rétorqué que le formaldéhyde dilué ne menaçait pas la santé des visiteurs… Mais les assistants de Hirst, comment vont-ils, eux ?

Apologie du plastique

Il y aurait là, pour les militants écologistes, un angle d’attaque beaucoup plus fondé que de s’en prendre à Van Gogh. Car le plastique, banni de plus en plus du quotidien pour sa pollution, est en gloire dans l’AC : l’un des événements de la Nuit Blanche du 3 juin 2023, se nomme « plastique fantastique » sic. Et ce au moment où Paris accueille à l’Unesco un sommet mondial sur ce fléau, avec 175 pays présents ! Pire encore que cette bouée géante enfilée sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, il y a l’installation performative de Lawrence Malstaf avec des danseurs suspendus… sous vide, évoluant entre deux feuilles de plastique dont on retire l’air. Essayez de faire la même chose avec des volatiles : toutes les ligues de défense de oiseaux vous voleront dans les plumes.  Mais, au-dessus de toute éthique, l’AC peut sans vergogne esthétiser l’inconfort humain :  le musée (Galliera, ici) n’éduque plus l’œil du visiteur mais l’encourage à jouir d’un voyeurisme un brin sadique…

Bonne nuit !

Christine Sourgins

(1) Pour plus d’infos sur les risques des métiers artistiques on peut consulter ce site : https://www.medecine-des-arts.com/fr/articles/sante-des-plasticiens.php