Alors que les regards sont tournés vers Rome, pour ce qui est de l’Art religieux, au sens d’« arts plastiques », de « peinture », il faut regarder vers l’Espagne et Tolède.
Les temps changent
On sait la frilosité qui s’empara des clercs envers la peinture figurative. L’Art abstrait, en vogue dans les années 50, semblait indépassable ; sauf par l’Art conceptuel dès les années 70. Bientôt les aspects philosophico-intellectuels de cet art conceptualisant séduisirent nombre d’ecclésiastiques : en l’accueillant, ils se montraient à la page, « modernes », se rabibochaient avec l’Etat entre subventions et petits fours. L’iconoclasme ou l’aniconisme de l’art officiel pouvait en outre favoriser le « dialogue inter-religieux », les protestants ne prisant guère les images, le monde juif non plus. L’AC, apte à véhiculer la moraline prêchant les bienfaits du multiculturalisme, apparut donc comme iréniste ! L’Eglise officielle épousa sans remords les méfiances et les aigreurs du conformisme au pouvoir : pas de quartier pour ceux qui peignaient encore au pinceau à l’heure du numérique, ce ne pouvait être que des réacs, et ceux qui osaient râler, des fachos.
Le temps passa, vint la Covid : installations et performances étant impossibles, l’écran (via la photo) remit, d’un bout à l’autre de la planète, la peinture à l’honneur. Vint aussi l’usure du sacro-saint progrès : un land arteur dynamitant un paysage apparut moins écolo que le dessinateur au crayon comté, le faible coût d’un coup de pinceau en faisant même un outil « démocratique ». Pire, le régime diversitaire évolua vers le wokisme : Jésus devint un mâle blanc de plus de cinquante ans (il en a plus de 2000 !), un chantre du régime patriarchal, pas assez féministe ( sauf à prendre le Da Vinci code pour évangile) ; pour le progressisme, « évangéliser » égale « coloniser », catholicisme égale appropriationnisme des cultures et des imaginaires ! Bref, le sens de l’histoire déraille.
Un événement
Tolède entend renouer avec l’histoire, puisque c’est d’Espagne que les images chrétiennes se répandirent de par le monde ; de ce pays vint aussi Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, religieux en pointe dans l’Art de la Contre-réforme : le Baroque leur doit tant !
Le 10 mai, à la cathédrale de Tolède, était inauguré un nouveau musée composé de 240 œuvres réalisées par 40 artistes contemporains vivants mais non-officiels : des peintres de l’âme fascinés par le divin ! Ceux que l’Institution ne voulait plus voir, un collectionneur privé les a vu : Steen Heidemann, architecte danois, commissaire de nombreuses expositions à travers l’Europe. Sa collection résulte d’un double acte de foi : agnostique d’origine protestante, il s’est converti au catholicisme en assistant par hasard à une liturgie, ébloui par la beauté des lieux ; il se met alors en quête de ceux qui, à la pointe du pinceau, cherchent encore aujourd’hui les « Visages du Christ ».
Lors de la cérémonie « le Christ à la tunique » du Gréco voisinait avec une toile de même sujet… peinte par Hélène Legrand et là, contrairement à ce qui se passe dans les « dialogues avec l’AC », ni rupture, ni dissonance grinçante, mais une harmonie sensible renouvelée.
Devient donc visible un art jusqu’ici rejeté dans les marges, car il n’intéresse ni l’Etat, ni le commerce ou les médias, ni même l’usage liturgique mais le regard intime… Fort de cet événement qui se produit au début de son pontificat, Léon XIV fera-t-il souffler un vent nouveau sur l’art religieux ?
Christine Sourgins