Du bon usage de l’IA

7 mai 2024

Jusqu’à présent l’IA inquiète le monde de la culture qui redoute une spoliation massive : le Parlement européen, le 23 mars dernier, a voté un règlement sur l’intelligence artificielle garantissant le droit d’auteur avec obligation de rendre publics des résumés détaillés des œuvres utilisées pour entraîner les IA, même pour les systèmes fonctionnant en open source. Ce n’est qu’un début mais on revient de loin.

La France pour les robots et contre les auteurs

Car bien qu’elle claironne  » l’exception culturelle », la France était réticente : Bruno Le Maire, ministre de l’économie, appelait l’Union européenne à « innover » avant de réguler pour éviter de ralentir le développement de l’IA. Il fallait être « non punitif »sic pour les entreprises. Or une fois les données des créateurs digérées par le Léviathan informatique, ce serait évidemment trop tard pour les auteurs ! Stigmatiser de « punitifs » les droits d’auteur des artistes et le devoir de transparence, est en contradiction, remarque la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) avec les positions du gouvernement lorsque cette propriété intellectuelle appartient à des entreprises. 

On a échappé (pour l’instant, restons vigilants) à un roublard mécanisme d’opt-out où c’est à l’auteur d’indiquer explicitement son opposition à l’utilisation de ses œuvres. Système pervers, inapplicable pour les arts visuels, car les images en ligne étant facilement téléchargeables par des robots, l’op-out obligerait un artiste à rechercher constamment toutes les mises en ligne pour prouver à chaque fois qu’il est bien détenteur des droits : de l’art de respecter en apparence le droit d’auteur tout en le torpillant concrètement !

Platon et l’IA

Cependant, l’IA et les nouvelles technologies peuvent être aussi culturellement salutaires. 1752 : dans une villa romaine d’Herculanum, celle du beau-père de Jules César, on trouve, ô merveille, une bibliothèque complète, riche de livres certainement inconnus aujourd’hui. Gros problème, les papyrus sont carbonisés depuis 79, Vésuve oblige. Impossible de les dérouler sans qu’ils tombent en cendres !

Mais voilà que des universitaires arrivent à les scanner (1),qu’un logiciel devient capable de les dérouler virtuellement, de les analyser couche par couche. Damnation : l’encre est végétale sur du végétal… impossible à lire mais quelques observateurs coriaces et l’IA finissent par y arriver !

Surprise : un papyrus donne des informations inédites sur le philosophe grec Platon, l’endroit de son tombeau, la date de sa mise en esclavage et surtout sur ses derniers moments. Il s’est éteint au son d’une flûtiste originaire de Thrace, qui allégea ses dernières heures. Or, lit-on « bien que fiévreux et à l’article de la mort, il était assez lucide pour critiquer la musicienne barbare pour son mauvais sens du rythme, sous les yeux d’un invité chaldéen venu de Mésopotamie ». Platon a toujours eu des problèmes avec les artistes : il rêvait de bannir les poètes de la Cité, reprochait aux peintres de produire des simulacres… voilà qu’il meurt en critiquant une musicienne !

Christine Sourgins

(1) tomographie par cohérence optique et imagerie hyperspectrale infrarouge