Grains de sel du 1er semestre 2014

8 août 2014

A noter,  sur ce nouveau blog et à partir du second semestre 2014, la lettre d’information , « le Grain de sel du mardi » sera publiée en articles indépendants : vous pourrez ainsi les « likez » sans modération sur les réseaux sociaux.

Le 9 septembre 2014
Sur votre agenda : Le  jeudi 11 septembre, sur 95.6 FM, de  12 h à 13 h 30, Aude de Kerros reçoit, en ma compagnie, la philosophe Chantal Delsol pour « Les pierres d’angles » un livre sous titré, « ce à quoi nous tenons » (Cerf). Certes, il ne s’agit pas d’un livre qui traite de l’esthétique mais de ce qui, en amont, la conditionne. La philosophe analyse les mentalités contemporaines selon 4 angles d’approche : les notions de personne, de bonheur (opposé à la joie), d’espérance et de vérité. Les amateurs d’art seront particulièrement sensibles au dernier chapitre, celui sur la vérité  car la phrase de Platon, « le Beau est la splendeur du vrai » fait, qu’on le veuille ou non, partie du logiciel de l’Occident. Avoir méprisé cette notion de vérité pour s’adonner aux sirènes du relativisme a produit un gigantesque « bug » …. dans lequel s’est engouffré l’art dit contemporain, l’AC.
Après son dernier livre, « L’âge du renoncement »*, inventaire de nos défaillances, Chantal Delsol dans « Les pierres d’angle » montre que nos maux ne sont souvent que les défauts de nos qualités ; ce livre trace donc, en creux, les chemins d’une renaissance. Christine Sourgins.


Mardi 8 juillet 2014

Le Grain de Sel part en vacances jusqu’au 9 septembre…Voici des idées de visites, de lectures pour ceux qui partent et… pour ceux restent …travailler tranquillement !

Flash Info : Le Grain de sel a la cote… cf  le dossier consacré à l’AC par le N°15 de Causeur (Juillet-août), p.77 à 93, avec des textes de : Elisabeth Lévy, Gil Mihaely, Charlotte Liébert-Hellman, Paulina Dalmayer, Pierre Mothes, Patrick Mandon et deux articles fort pertinents de Pierre Lamalattie qui joint le pinceau à sa plume…

L’association Mycelium présente une exposition préparée par Laurent Danchin:

  « Génie savant, génie brut »

« Naïfs ou sophistiqués, autodidactes ou passés par les écoles, les vingt-cinq créateurs présentés ont tous en commun d’avoir suivi un chemin hautement personnel, souvent proche de l’obsession, et d’avoir développé, en dehors des modes et des idéologies du moment, un univers singulier tirant sa source des zones, souvent obscures, de leur nature profonde… » à l’abbaye d’Auberive (en Haute-Marne, près de Langres) , jusqu’au 28 septembre ; un centre privé présentant chaque été une exposition consacrée aux marges de l’art contemporain…. plus d’informations sur le site de Mycelium cliquez

   Le Musée du Verre de Conches, un petit musée qui deviendra grand, consacre une exposition à l’un des grands maîtres verriers de la seconde moitié du XXe siècle, Gabriel Loire, qui réalisa dans son atelier chartrain des vitraux pour plus de mille édifices en France et à l’étranger et donna ses lettres de noblesse à la technique de la  dalle de verre et ciment…jusqu’ au 30 nov. Le   site du musée  cliquez a eu la bonne idée de présenter une visite virtuelle sur le net.

A noter les parutions suivantes :

-« Le Beau, l’Art et l’Homme, émergence du sens de l’esthétique », sous la direction d’Henry de Lumley, 2014, paru au CNRS cliquez. Philosophes (Chantal Delsol), artistes (Aude de Kerros), archéologues, théologiens, physiciens  ou historiens ( Christine Sourgins : « la Beauté dans l’art contemporain », p.175 à 180) signent chacun une contribution.

-Egalement, dans le N°62 (avril, mai, juin) de la revue Liberté Politique,  un article sur « la prise de pouvoir de l’Art dit « contemporain » (p 75 à 81).

Bonnes vacances, Christine Sourgins


Mardi 1er juillet 2014

Censures mesquines…

Il est rare que la presse (cliquez), tel cet article de la Dépêche, se fasse écho de la picturophobie règnant chez nos décideurs culturels. La mésaventure survenue au peintre Jérôme Tisserand met en lumière les mœurs de l’AC au pouvoir. Le responsable toulousain ne répond pas au peintre, un sous citoyen apparemment, qui veut faire don d’une partie de son œuvre. Que celui-ci, exposé à l’international, ait bâtit une carrière, ne mérite aucune considération auprès de ceux qui ont commis en France, depuis des décennies, un véritable « articide« . Ce n’est donc pas pour rien que le centre d’AC toulousain se nomme « Les abattoirs »… Carton rouge à Toulouse et bravo à Nantes, qui a encore des conservateurs et des responsables qui savent ouvrir l’œil.  La ville natale de  Tisserand va donc hériter d’une belle collection de tableaux abstraits… La bêtise des uns fait, ici, le bonheur des autres mais il est rare que ce genre d’affaire ait une aussi heureuse conclusion.

Autre exemple de ces censures mesquines qui empoisonnent la vie culturelle. A quelques semaines de la commémoration du passage de Charles Péguy à Loupmont (en août 14, le poète y fit halte avec sa compagnie et communia une dernière fois en l’église du village, il mourra trois semaines plus tard), l’organisateur, l’artiste Phil Donny, a convié les habitants de son village à figurer sur une toile monumentale peinte en l’honneur du poète, mais il ne sait ce qu’il pourra réellement organiser. Ayant sollicité une aide européenne, il faut au préalable l’accord de toutes les collectivités locales pour la faire valoir. Si Phil Donny se targue du soutien de la commune de Loupmont, de la Codecom Côtes de Meuse/Woëvre, du Conseil Général de Meuse, de l’Amitié Charles Péguy etc, le blocage viendrait du Conseil régional … qui a reporté la réunion de la commission d’aide aux associations culturelles… en septembre ! Légèreté ?  Mépris du citoyen qui se mêle de commémorer à sa façon, la « tarte laïque » prévue par le peintre déplairait-elle ? Ou bien est-ce l’organisateur,(cliquez) pourfendeur de l’AC (et du centre Pompidou Metz), qui agace ? A moins que Péguy, en passant près de la Lorraine, soit devenu aussi infréquentable que la Peinture à Toulouse ? On attend des responsables et  des élus un peu de courage pour dire et motiver ouvertement leurs choix (NB : l’hommage au poète est maintenu le 16 août, avec plus ou moins de festivités…).

C. S.


 

Mardi 24 juin 2014

Le naufrage du mécénat officiel…

    La rocambolesque odyssée culturelle du photographe coréen Ahae vient de démontrer à la fois et l’efficacité du ministère de la Culture, et sur quelle pente dangereuse glisse notre « exception française » depuis des décennies.

Vous prenez donc un photographe coréen, qui est un illustre inconnu, Artprice ne le connaît pas, avec un projet artistique stakhanoviste : prendre  entre  2000 et 4000 photographies par jour, à travers une seule fenêtre, la sienne. Voilà une œuvre d’Art très contemporain : Ahae a le concept de la fenêtre, celui de répétition, de série, de work in progress etc. Même son nom qui veut dire « Bambin » en coréen, dégage ce parfum de paradoxe qui fait défaillir  notre nomenklatura artistique, puisqu’Ahae est un bambin de 73 ans. Ce photographe, qui a produit un million de photos en deux ans à travers une seule fenêtre, trouvait que le Guiness des records manquait de prestige…

Il obtient donc, en  juillet 2010, dans le jardin des Tuileries une première rétrospective au titre qui s’imposait, « De ma Fenêtre ».   La préface du catalogue est signée par Henri Loyrette, alors président du  Louvre, qui ne tarit pas d’éloges : Ahae serait, selon lui, « l’extraordinaire dans l’ordinaire » sic. Mieux, le Louvre n’a pas versé un centime,  l’artiste s’est entièrement autoproduit.  A ce compte là, le Bambin  récidive en  2013, exposant deux mois à l’orangerie du Château de Versailles. Sa présidente, Catherine Pégard, s’extasie : Ahaé c’est « l’instant qui se confond avec l’éternité  » car « d’une même fenêtre, Ahae, de l’aube au crépuscule, chaque jour de l’année, embrasse le monde » : Dieu que c’est beau la photographie !

Les esthètes qui nous dirigent sont-ils sous le charme de la Corée : Lee Ufan, autre coréen, sévit actuellement à Versailles avec beaucoup de modestie, se targuant d’avoir « surmonté la perfection de Versailles » (1) : serait-il, par hasard, un copain du « Bambin » ? Mystère, mais Henry Loyrette est président de l’année France-Corée qui va débuter sous peu…

Nos bureaucrates de la Culture sont-ils sous la charme du déclic du carnet de chèque qui s’ouvre ? Car le Bambin est en réalité un riche mécène qui a versé 1,1 million d’euros au fonds de dotation du Louvre, presque autant à Versailles… Bernard Hasquenoph, fondateur du site Louvre pour tous,  a  établi qu’ Ahae, le gentil photographe, et Yoo Byeong-eon, féroce homme d’affaire, sont une seule et même personne !

Avis aux photographes hexagonaux, qui galèrent sans trouver une seule fenêtre dans le monde culturel officiel : pour exposer dans une démocratie, rien de plus simple, il suffit de frapper à la porte du Louvre, de Versailles, (le ministère vous donnera  d’autres bonnes adresses), et d’ouvrir généreusement votre compte en banque et, d’un clic, vous vous achetez une légitimité artistique… qui sera rapidement cotée par art Price, n’ayez aucun doute…sauf anicroche.

Mais que se passe-t-il ? La Philharmonie, nouvelle grande salle de concert qui ouvre début 2015, vient de déprogrammer une exposition d’Ahae ! Embarras aussi au Théâtre Impérial de Compiègne (les théâtres impériaux cumulent les problèmes avec les mécènes voir Grain de sel du 27 mai) puisqu’Ahae devait être aussi le financier d’une programmation…

Catastrophe, tous aux abris ! Ce Tycoon asiatique a été condamné pour escroquerie, est aussi le gourou d’une église évangélique protestante mais surtout  il est le propriétaire du ferry (mal entretenu, mal équipé etc) qui a coulé le 16 avril dernier. Naufrage qui entraîna  la mort de près de 300 personnes, des « bambins » pour la plupart, et la démission  du premier ministre coréen, vue l’énorme vague de scandale qui vient éclabousser jusqu’à la Pyramide du Louvre ! Car Monsieur Yoo a disparu, recherché par toutes les polices de la planète…

Un mécène du Louvre escroc, gangster, lit-on sur le net ?  Ou comment acquérir de la légitimité artistique et  recycler au passage  un peu d’argent sale ?  On comprend mieux que le successeur de M. Loyrette, M. Martinez, ait ouvert le parachute, manifestant quelques réticences à faire ami-ami avec les « mécènes » d’AC. Un article de Télérama (2),  sur un ton condescendant, reprochait au nouveau directeur du Louvre de refuser de programmer les stars de l’AC au Louvre…Peut-être est-il un peu plus clairvoyant que son prédécesseur… ou mieux informé. Tout en ayant concédé, quand même, une nouvelle expo Koons… au Louvre. Koons, encore ! Au Louvre cette fois ?

On ne peut, à la lumière de l’épisode Ahaé, s’empêcher de demander : mais de qui, de quoi, Koons est-il le nom ?

Christine Sourgins

(1) Le Monde, 13 juin, p.11.

(2) Télérama du 26 avril 2014 p. 26-27.


 

Mardi 17 juin 2014

Extrémistes ou Art-pitres ?

     Pour qualifier certaines propositions décoiffantes de l’AC, Le Figaro vient de trouver le mot juste : extrémistes.

Oui, il y a des Extrémistes dans l’art dit contemporain mais faut-il en parler et donc faire leur jeu, suivant l’équation : provoc = médias = notoriété = valeur financière ? D’où, pour ma part, une réticence à en parler trop vite, ce qui déclencherait la construction de la « valeur ». Mais puisque le buzz est lancé… parlons donc des Extrémistes de l’AC. L’une vient de poser au musée d’Orsay, assise, jambes écartées, au-dessous du tableau de Courbet  « l’origine du monde » pour dévoiler son intimité, ce que la loi normalement réprouve. vidéo cliquez

Les rabelaisiens en rirons ; les touristes, pour peu qu’ils eussent déjà été détroussés, penseront que, vraiment, la France est un pays où l’on finit « à poil ». Les contribuables ne démentiront pas. L’absence de répression des autorités incite à y voir un aveu : en haut lieu, on souhaite que le citoyen s’habitue à un état de dénuement chronique.

A Orsay, l’affolement des gardiens fut suivi d’une petite promenade au poste et l’affaire fut classée. Pourquoi ? La dame se prétend artiste et les institutions ont du mal à réprimer ce que par ailleurs elles promeuvent ; un grand musée européen, le Léopol Muséum de Vienne, n’a-t-il pas, fin 2012, organisé une expo sur le nu avec des visites « nus pour voir les nus » ; tout le monde en tenue d’Adam ou d’Eve !  Régulièrement l’artiste et photographe Spencer Tunick fait la joie de la presse en faisait poser des troupeaux de bobos déshabillés : vous ne voudriez quand même pas que la Grande Presse s’indigne ? On comprend mieux que certains aient proposé de remplacer artiste (terme très usé) par art-pitre… Art-pitres d’Art contemporain, voilà qui sonne bien.

La demoiselle (luxembourgeoise) a bénéficié d’une année en résidence d’artistes à la cité internationale des arts de Paris, en 2013 ; pour lire les félicitations du jury cliquez.Le contribuable luxembourgeois aimerait sans doute savoir combien lui coute ce flagrant délit d’exhibitionnisme, du même type que l’homme qui ouvre son imper ? L’artiste se targue d’avoir mûri son geste (en droit il y a donc préméditation) et, comme c’est désormais sa marque artistique, son concept : elle va récidiver. Tous les mots du vocabulaire juridique sont là mais érodés, essorés, inutiles. Voilà sans doute le plus grand attentat commis par l’AC, non pas contre la pudeur mais contre  les mots qui nous servent pour « vivre ensemble » et n’ont désormais plus de sens. On ne s’étonnera donc pas que la dame se dise (sans rire) …pudique ! Comme  les mots sont la digue fragile de la violence qui couve dans une société, les Art-pitres qui les détruisent par jeu depuis des décennies auront grandement contribué à mettre « le feu aux poudres » (pour citer un tableau de Fragonard tellement plus civilisé dans sa coquinerie qu’une art-pitre qui, l’air vague, fait sa performance sous elle).

Soyons juste, Milo Moiré qui peint en pondant vaginalement des œufs n’a pas l’air plus réveillée… ceux que les extrémistes de l’AC passionnent cliqueront ici . Pour respecter la parité, avouons que les Art-pitres mâles ne sont pas en reste. Il y a longtemps que Alberto Sorbelli a inventé la prostitution culturelle dans les musées… Récemment, un chinois s’est fait retirer une côte et la porte autour du cou comme un bijou, c’est l’œuvre cliquez.   

Un autre, norvégien, prétend avoir mangé sa propre chair « elle avait un goût de mouton » cliquez.  On peut être dubitatif : ainsi l’homme avait conservé, dit-il, un morceau de hanche malformée qu’on avait dû lui enlever… il n’y a pas grande viande sur un os, de là au mouton…il y a peut-être l’ombre d’une mystification. Mais peu importe, dans le monde de l’AC dire ou faire, c’est pareil. L’AC réalise le rêve de Mammon : tout marchandiser jusqu’à l’abjection même. Et en plus, la donner en spectacle…pour mieux la vendre.

Christine Sourgins

NB : Aude de Kerros sur Arte :dans l’émission Square du dimanche 15 juin 2014

NB : c’est le montage de deux ananlyses qui se croisent (et s’opposent) sur l’AC : Aude de Kerros et  Hans Ulrich Obrist  ne se sont pas rencontrés et n’en sont pas informés…


Mardi 10 juin 2014

Le retour de l’Ecole de Paris ?

Vous rêviez d’un musée consacré aux Ecoles de Paris ? Serge et Patricia Mendjisky l’ont fait. A Paris, dans le bel immeuble construit 15 square Vergennes en 1932 par l’architecte Robert Mallet-Stevens pour le maître-verrier Louis Barillet, est donc installé le Musée Mendjisky – Ecoles de Paris cliquez qui a pour vocation de conserver, protéger,  mettre en valeur, les artistes des deux Ecoles de Paris.

Le musée a ouvert en avril avec une rétrospective consacrée au père de son  fondateur, Maurice Mendjisky (1890-1951). Ce peintre né en Pologne, arrivé à Paris en 1906, commença d’y exposer dès 1912. Il retint la leçon cézannienne, celle des fauves, fut l’ami de Renoir, connut  Modigliani, Soutine et vécu la passion avec Kiki de Montparnasse, avant de vivre des heures tragiques pendant la dernière guerre : son inspiration se dégage alors de l’influence des maîtres de la modernité.  En témoigne sa série de dessins, édités avec des textes d’Eluard et Vercors, et consacrés au Ghetto de Varsovie, remarquables par l’expression d’une  détresse qui n’annihile pas la dignité de la figure humaine. Mendjisky n’avait plus été exposé à Paris depuis 1938.

Le musée édite des catalogues, prépare d’autres expositions temporaires qui permettront d’évaluer cette école que les institutions françaises et parisiennes traitent par le mépris. C’est pourquoi ce musée privé vit sans le financement de la Ville de Paris ou du Ministère de la Culture …

A lire, pour se replonger dans l’ambiance de « l’école de Paris », les souvenirs de Jeanine Warnod, fille d’André Warnod, l’auteur de cette expression. Née à Montmartre, celle qui, enfant, sautillait sur les genoux de Chagall, organisera par la suite nombre d’expositions et travaillera au service culturel du Figaro pendant près de quarante ans. Jeanine Warnod « L’Ecole de Paris , dans l’intimité de Chagall, Foujita, Pascin, Cendrars, Carco, Mac Orlan, à Montmartre et à Montparnasse », Edition Musée du Montparnasse, 2012. (NB : le musée du Montparnasse, où Jeanine Warnod organisa une exposition consacrée à ce sujet, a « suspendu ses activités »… mais peut-être le musée Mendjisky prendra-t-il le relai ?)

A voir aussi, à Metz, une exposition du musée de la Cour d’or cliquez qui bénéficie de la passion de Gérald Collot, ancien conservateur du Musée de 1956 à 1987. Celui-ci, également peintre,  s’intéressait en connaisseur à la Nouvelle École de Paris et la collection qu’il a réunie est très homogène, privilégiant le paysagisme abstrait des années 1950-1960. Une collection restaurée, qui fait l’objet  d’un catalogue de référence…l’Ecole de Paris commencerait-t-elle enfin à sortir de son injuste purgatoire ?….Regards sur l’Ecole de Paris cliquez : jusqu’ au 7 juillet.

Christine Sourgins


 

Mardi 3 juin 2014

L’association « Rencontres et Débats Autrement », animée par Britt Patzold et Christian Mrasilevici,présente un débat sur le thème L’ART et L’ARGENT – des  LIAISONS DANGEREUSES invitée : Christine Sourgins

Une vidéo d’un quart d’heure présente ce café-société.enregistré le 16 mai 2014 à la Médiathèque Ste Geneviève des Bois   A regarder soit sur You Tube  cliquez  http://www.youtube.com/watch?v=dgbUgxM6gNU

soit sur le site de l’association :  http://rencontres-et-debats-autrement.org/index.php?page=themes-traites-2

à diffuser sans modération…


 

Le N°18 de la revue Ecritique est paru !

Une revue totalement indépendante, consacrée aux débats d’idées autour de  l’actualité de l’Art.

 Dans ce numéro, entre autres, des  réflexions sur les « Conditions de l’Art » et sur le sexisme artistique (ce qui m’a permis de converser avec le peintre Hélène Legrand, à propos du nu en peinture aujourd’hui ) ; des regards sur Crépin, Lorjou etc. et cinq interprétations qui tenteront de percer le mystère du tableau de Magritte «La durée poignardée »…

Pour voir le sommaire complet et se procurer Ecritique N°18 cliquez


27 Mai 2014

Mécénat ou OPA ?

En avril 1814, Fontainebleau avait vu l’abdication de Napoléon  ; ce château,  en avril 2014, semble devenu le théâtre de l’abdication des élites républicaines. Inspiré de celui de Marie-Antoinette à Versailles, le théâtre impérial construit par Napoléon III est devenu le « théâtre Cheikh Khalifa bin Zahed al-Nahyan », suite aux 5 millions de pétrodollars déboursés par l’émir d’Abou Dhabi, pour financer des travaux de restauration. Laissons de côté les commentaires désobligeants relatifs à la nationalité et à la religion du financier, concentrons-nous sur les faits.

L’affaire s’est enclenchée sous Nicolas Sarkozy dans la foulée de l’accord historique conclu avec les Émirats,  sur le Louvre Abu Dhabi. C’est M. Renaud Donnedieu de Vabres qui, en 2007, a accepté cette « contrepartie ». Or s’il y a contrepartie, il ne s’agit plus de mécénat : le mécène est, par définition, un homme aussi riche que généreux, qui ne marchande pas son aide. Il est normal de le remercier, par des discours, des cérémonies, d’apposer une plaque sur un mur, bien en vue, rappelant son geste méritant. S’il y a une vraie « contrepartie » du mécénat, elle est dans l’estime que la population et de tous les amoureux de l’art, d’où qu’ils viennent, portent au bienfaiteur ; bref, en ce qu’autrefois on nommait « la Renommée ».

Or ici, puisque l’émir achète un nom, il ne s’agit plus de mécénat mais d’une vile OPA, déguisée en mécénat. Cette offre d’achat, ici, n’est même pas publique : c’est une offre d’achat privatisant un bien public. Or acheter le nom de Napoléon pour (à terme) 10 millions d’euros,  c’est brader le patrimoine historique … Le patronyme de Napoléon a donc été soldé, vitam aeternam, pour moins de la moitié du salaire annuel d’un sportif parisien, tel Zlatan Ibrahimovic qui a gagné  23,5 millions d’euros en 2013.

On a peine à croire qu’un ministre ait si mal conseillé l’émir car, pour ce qui est de renforcer la renommée d’Abou Dhabi, c’est raté : la bronca va bon train et une pétition circule pour exiger le maintien du nom d’origine.  Mme Filippetti va-t-elle rattraper cette bévue ? On pouvait l’espérer, tant M. Hollande, homme de gauche, s’est employé à défaire les œuvres de son prédécesseur, homme de droite. De plus, on se souvient que, lors de la campagne présidentielle, la future  ministre  de la culture  avait publiquement regretté  que le nom de l’entrepreneur lorrain, Wendel, soit inscrit sur les murs du centre Pompidou Metz. Wendel, qui a reçu en 2012 la distinction de « Grand Mécène de la Culture », n’avait pourtant pas demandé qu’on baptise le centre « Pompidou-Wendel ». Ce genre d’achat de nom, travesti en mécénat, est courant en Amérique du Nord, pas en France, ainsi que le déclare Gilles Fuchs créateur de l’Adiaf  (1): « je pense que le mécénat se caractérise avant tout par la générosité et la discrétion » (2).

Mais la collusion des fonctionnaires de la Culture avec le marché et la finance a sournoisement engendré la servilité des hommes de l‘Etat : le prestige de servir le Bien public leur est apparu fort terne, face aux plaisirs (et aux avantages sans doute) de complaire à l’oligarchie financière.  La ministre a donc mangé son chapeau,  pour venir, tout sourire, inaugurer le théâtre de Fontainebleau,  avec Cheikh Sultan Bin Tahnoon al-Nahyan, membre de la famille royale.

Que faire ? Il y a peu de chance qu’on débaptise le théâtre ; des complications diplomatiques seraient en vue. Peut-être faudrait-il plutôt pétitionner pour qu’un projet de loi interdise explicitement de vendre nos appellations d’origines contrôlées. D’ailleurs celles-ci ne sont-elles  pas inaliénables au même titre que n’importe quel patrimoine culturel de la France ? N’y-a-t-il pas, là, une grave infraction au principe d’inaliénabilité, caractéristique du droit français ?

Les descendants de l’Empereur vont-ils attaquer en justice pour défendre les droits d’auteur de leur ancêtre, Napoléon III, constructeur du théâtre ? Ce serait tout à leur honneur… et à leur avantage si on se souvient des précédents exploits de M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ainsi, quand le bâtiment du ministère de la Culture,  rue Saint-Honoré à Paris, a été emballé  d’une résille en métal qui dénaturait les lignes de l’édifice initial, celui de l’architecte Georges Vaudoyer, ses héritiers attaquèrent l’Etat. Le tribunal administratif de Paris condamnait, en 2007, le ministère à leur payer un euro symbolique tout en déclarant irrecevable la demande de dépose de la résille. Mais il laissait ouverte la voie d’une demande gracieuse devant le ministre, celle-ci étant susceptible de recours.Afin d’éteindre tout risque de poursuite du contentieux, Renaud Donnedieu de Vabres a  signé aux héritiers Vaudoyer un chèque de 300 000 euros… contre l’avis du comptable de son propre ministère. Selon le site du Nouvel Obs (3), la Cour des Comptes note que « la convention conclue à cette occasion, par laquelle l’État a contracté une dette qui n’existait pas, suscite d’importantes réserves ».

On notera les coïncidences de dates des deux affaires (2007) et le  « contracté une dette qui n’existe pas » !  Ainsi marche l’affairisme culturel :  distribution dans l’urgence de chèques pour colmater des brèches que le ministère crée lui-même par impéritie et non respect des lois (du droit moral en particulier ); puis, les caisses étant vides, recours flagorneur au premier carnet de chèques venu… plus quelques hausses d’impôts et le bal peut continuer….. Est-il admissible que l’autorité de tutelle ait laissé Mme  Baldassari  déraper de 30 à 52 millions d’euros, pour rénover le musée Picasso ?

Les relations de l’Etat et de la Culture ne sont affaire de convictions ni de gauche, ni de droite : c’est une affaire d’intérêts financiers…

Christine Sourgins

(1) Association pour la Diffusion Internationale de l’Art Français

(2) Martine Boulart, « Artsistes et mécènes » Ellipse, 2014, p.384.

(3) http://rue89.nouvelobs.com/2010/02/14/avec-donnedieu-des-ayants-droit-touchent-300-000-fois-la-mise-138147


 

Mardi 20 Mai 2014

Où sont les femmes ?

Dans une publication récente, Annette Messager déclarait : «  Comme Aurélie Filippetti, je déplore qu’il n’y ait pas une seule femme à la direction d’un musée de France…. ». C’était raté pour le nouveau directeur du Louvre, et pour prendre à la tête du centre Pompidou…. encore raté : toujours des hommes.  Or voilà que la Ministre  révoque une des rares femmes, Mme Baldassari, qui dirigeait un grand musée, le musée Picasso … Cherchez l’erreur.

Le communiqué du ministère ne met pas en cause les compétences de cette dernière, loin de là. Par respect pour le travail scientifique accompli, le ministère lui a proposé de réaliser l’accrochage de la collection pour la réouverture du musée ! Cela ne frise-t-il pas la goujaterie ? Ou bien « rien ne va plus avec la directrice » et on l’évince ; soit on la garde jusqu’en 2015, fin de son mandat. Mais que signifie cette sanction accompagnée de la réalisation du plus important aux yeux du public, l’accrochage ? On imagine l’enthousiasme de la directrice, virée et sommée de continuer son travail. A l’encontre de Mme Baldassari, « on » évoque un climat stressant, les employés du musée seraient au bord de la crise de nerf. Soit, mais Ariane Warlin avait révélé un climat similaire au Louvre…et personne n’a débarqué Mr Loyrette. Parce que c’est un homme ? (voir le Monde du 14 mai 2014)

Les temps sont durs pour les femmes dans l’AC nouveau genre que les institutions nous concoctent. Voir la mésaventure arrivée à Dominique Poncet, samedi dernier lors de la Nuit des musées. Le Palais de Tokyo multiplie spectacles et performances, ouvrant les lieux « à toutes les richesses de la banlieue » d’où des piles de pneus ( à brûler ?) ; la journaliste de France 3, n’est pas très à l’aise dans l’agitation générale. Lâchée au milieu d’une troupe d’improvisation, elle est goulument embrassée ( ?) agressée ( ?) par un jeune très décomplexé. « Respect » est pourtant un terme sur lequel les jeunes sont très chatouilleux en banlieue. Devant cette pratique de la « femme en libre-service », le journaliste, bien à l’abri en studio,  s’empresse de rigoler : « C’est ça la culture ! » ; présent, Jack Lang, ex ministre de cette Culture, approuve et trouve cela « très drôle »…Voir l’épisode
http://www.dailymotion.com/video/x1vejq8_une-journaliste-du-soir-3-embrassee-en-plein-direct-sur-france-3_tv?start=5

Ceci venant après Conchita Saucisse (c’est la traduction de Wurst), parodiant lors de l’Eurovision une femme à barbe, forgeons d’urgence un néologisme car, bien sûr, si les femmes ne rient pas, c’est qu’elles n’ont pas d’humour…  Proposons « drôlement  correct ». Ce n’est pas pour rien que l’Art très contemporain, l’AC, vit sous l’emprise de l’urinoir Duchampien, objet autant potache que machiste…

Et pour conclure cette semaine en apothéose, voilà que la comédienne iranienne, Leila Hatami, membre du jury du Festival de Cannes s’attire les foudres des mollahs de Téhéran… pour avoir fait la bise à Gilles Jacob, le président du Festival, lors de la cérémonie d’ouverture.

Bref, quelque soit la « culture » de la mondialisation, celle des coincés ou celle des décomplexés, la femme est toujours à disposition…

Christine Sourgins


 

Mardi 13 mai 2014 

L’AC, un conte de fées ?
La société Amarante fabrique du feutre et ses employés se plaignaient de leurs conditions de travail, dont la poussière. Autrefois on eut appelé le syndicat à la rescousse ou bien le service d’hygiène. Maintenant on s’adresse à un artiste d’art officiel car chacun sait que Duchamp, le pape de l’art très contemporain, l’AC, s’y connaissait en élevage de poussière (1).  Le plasticien Fabrice Hyber narre donc ses exploits à Martine Boulart (2) : « J’ai dessiné pendant une matinée sur une plateforme en feutre avec des feutres (NB : jeu de mot, à moins qu’il ne découpe les feutres comme Matisse les papiers), le personnel a assisté à cela, nous avons rapproché nos travaux respectifs et le travail de l’artiste a valorisé le travail des employés » sic. Faut-il comprendre que la poussière, le bruit etc. bref les conditions de travail difficiles se sont magiquement améliorées suite à la divine présence hybernétique ? Voilà un argument confondant en faveur du mécénat, but, fort louable, du livre de Martine Boulart. Ne tombe-t-on pas dans une vision paternaliste des ouvriers-enfants qu’il suffit d’amuser un moment pour qu’ils arrêtent de bouder ?  Voilà, enfin,  un débouché pour nos artistes conceptuels que le ministère produit en série, alors qu’ils sont peu appréciés à l’international : les chefs d’entreprise vont se ruer sur nos artistes d’AC pour mater les révoltes qui grondent dans les usines textiles des pays émergents. Et la belle Aurélie va devenir ministre du redressement artistique !

Dans son dernier livre la sociologue Nathalie Heinich (p. 230) cite Hyber comme un exemple d’artiste tellement officiel, tellement soutenu par les institutions qu’il n’a pas besoin de galerie !  On ne s’étonnera pas d’avoir entendu parler de lui ce 10 mai : Hyber, en bon apparatchik, a reçu la commande  du « monument » officiel dédié à la fin de l’esclavage et installé au Luxembourg. Le concept est lisible (3 maillons d’une chaîne qui s’ouvre), la réalisation formelle est minimaliste si on est poli, indigente si on est réaliste.  Cette œuvre chétive ne s’éclaire-telle pas d’un jour nouveau à la lueur de la performance accomplie par Hyber en usine ? Libérer les employés  d’une «sensation » de  difficulté, d’un « sentiment » d’injustice, d’une « impression » de dévalorisation : pour paraphraser Duchamp, « ce sont les regardeurs qui font le boulot… »

Si jamais l’ Hybernétisme fonctionnait contre la sensation d’insécurité, le sentiment d’abus fiscal ou encore l’impression d’abandon des classes moyennes,  la belle Aurélie deviendrait premier ministre : l’AC, un vrai conte de fées !

Christine Sourgins

(1)     Voir ce qu’en dit le centre Pompidou : cliquez
(2) « Artistes et Mécènes, Regards croisés sur l’Art contemporain », édition Ellipses, 2013, p.83. Livre qui, hélas, n’a pas pris suffisamment la mesure de l’émergence de 2 définitions divergentes de l’Art à la suite des ready-made de Duchamp.


Mardi 6 mai 2014

Une exposition démasquant l’Art dit contemporain

Si la presse française avait un minimum de curiosité, si elle avait tant soit peu de courage, c’est une petite révolution qui se prépare au château de Vascoeuil en Normandie (à 20 kms de Rouen), cette demeure où vécu Michelet héberge en ce moment, et jusqu’ au 29 juin, de quoi ébranler les certitudes de l’esthétiquement correct, cet Art dit contemporain, l’AC. Or le nom de l’exposant, Daniel Druet, est pourtant loin d’être aussi célèbre  que ses œuvres qui ont, mondialement, défrayé la chronique.

Comme tout le monde, vous croyez sans doute que l’artiste américain Maurizio Cattelan a réalisé lui-même ses pièces.  Prenons son célèbre « Jean-Paul II écrasé par une météorite », l’œuvre est « belle » tant le visage exprime une souffrance digne. Pour un peu, vous allez penser : voilà un plasticien d’AC qui a du métier !  Quelle méprise ! Car si vous souleviez la robe de Jean-Paul II  vous verriez que cette œuvre est signée…Daniel Druet. Hé oui, Cattelan semble avoir quelques difficultés à tenir ne serait-ce qu’un crayon. Tandis que Daniel Druet, (deux fois Grand Prix de Rome de Sculpture en 1967 et1968 ; lauréat-pensionnaire de la Casa Vélasquez à Madrid de 1969 à 1971) a portraituré moult célébrités de Coluche à Mitterrand, en passant par Lino Ventura, Dutourd ou Anouar El Sadate… Seul problème, peu de gens commandent aujourd’hui leur  buste, à la différence du XIXème siècle où c’était mode ; le portraitiste doit donc avoir un second métier, par exemple réaliser des mannequins de cire pour le musée Grévin, ce qui fut le cas de Daniel Druet qui en créa 200. Or un jour, Cattelan lui commanda un Jean-Paul II ; Druet livra  une effigie du Pape  comme il l’aurait fait pour Grévin. Cattelan  s’en empara, la flanqua par terre et rajouta une grosse pierre… Suivront, de 1999 à 2006, d’autres pièces,  toutes connues comme l’œuvre du « génial » Cattelan : une grand-mère par ci, un Kennedy par là et le petit Him, ce si troublant Hitler en premier communiant…

  Question : qui des deux est vraiment l’artiste ? Celui qui ordonne et finance ou celui qui travaille de ses mains ? Dans le monde de l’AC, ne compte et n’a droit aux projecteurs que  le conceptuel, qui méprise cordialement le praticien, un « vulgaire » manuel. Et  Daniel Druet, vu les pratiques américaines du droit d’auteur, n’arriva pas à obtenir du Guggenheim la mention de sa paternité lors de la rétrospective Cattelan. Il a cependant tiré plastiquement les leçons de sa collaboration avec ce dernier : il a réalisé un vrai-faux Cattelan qui représente l’artiste d’AC en coucou, un drôle d’oiseau qui fait son nid dans celui des autres, façon de suggérer que l’artiste d’AC fait son œuvre dans l’œuvre d’un autre…

A Vascoeuil, vous pourrez voir également l’œuvre personnelle du sculpteur Daniel Druet mais aussi la réédition de toutes les pièces qu’il a produites pour Cattelan : vous pourrez même les acheter, à des prix raisonnables, comparés aux millions d’euros qui « consacrent » la valeur des Druet-Catellan en salle des ventes. Il va sans dire que  ces fortes rétributions sont allées dans les poches du « conceptuel » aux dépens du « manuel »…mais, pour le malheur de ce dernier, le fisc français a eu du mal à comprendre la différence des revenus de l’un par rapport à l’autre : pour les impôts, Druet serait bien  l’auteur des pièces de Cattelan !

Alors, à quand Druet invité sur les plateaux télés ? Dans une grande radio ? L’exposition  Daniel Druet est  aussi un test pour mesurer l’atonie de nos grands médias : auront-ils à cœur de démentir que l’information, désormais,  s’est réfugiée sur le net ?

Christine Sourgins

NB :Dans le catalogue de l’exposition de Vascoeuil,  j’ai développé l’histoire de ce fameux « Coucou »  esquissée ici…


 

Mardi 29 avril 2014

Le film de Christophe  Cognet «  Parce que j’étais peintre » est le documentaire que l’on attendait sur la peinture dans les camps d’extermination : que n’a-t-on pas dit contre la Peinture et sa supposée inutilité, sa ringardise, son inefficacité face à la barbarie. Lire la suite


 

Mardi 15 avril  2014

La Cité des Sciences de Paris présente depuis le 8 avril une monumentale exposition sur l’art Robotique.  Le site digitalarti (cliquer) en propose un avant-goût  avec l’étrange ballet du mille-pattes de Theo Jansen, (voir la vidéo en ligne Strandbeesten 2012) : la robotique se conjuguerait-elle plus facilement avec la poésie qu’avec le conceptualisme officiel ?

Les portraitistes regarderont avec intérêt un robot essayer de dessiner un portrait de visu… le résultat, pour l’instant, n’est pas trop probant…

On peut se demander si la robotisation de l’Art conceptuel, n’est pas une bonne solution en ces temps de restriction des crédits affectés à la Culture. Le ministère achèterait une fois pour toutes un robot programmé pour proposer des détournements sur Tout : on sait que depuis les ready-made de Marcel Duchamp, depuis la roue de bicyclette et l’urinoir, tout, absolument TOUT, peut devenir de l’art, être détourné, investi et réapproprié. Cette programmation est tellement basique que même un robot peut la comprendre : on l’appellerait Marcelino le Robot… il délivrerait aux accros de la transgression leur dose, disons hebdomadaire, de propositions ébouriffantes, renversantes, éructantes avec la logorrhée verbale idoine. Le robot nous épargnerait les caprices de divas des egos duchampiens surdimensionnés et le citoyen ferait l’économie de lourdes subventions.

Moyennant quoi on pourrait financer des écoles d’art où l’on apprendrait non plus la provoc, le réseautage ou le marketing (Marcelino s’en chargerait) : mais on apprendrait à dessiner, à peindre, à graver, à sculpter… bref à rouvrir les yeux au lieu de conceptualiser avec une frénésie mécanique …


 

 Mardi 8 avril 2014

suite de l’analyse du livre

Nathalie Heinich, «  Le paradigme de l’art contemporain – structure d’une révolution artistique », NRF Gallimard, 2014.

      Le dernier livre de Nathalie Heinich pose un problème de fond. Le mot paradigme vient du grec paradeigma qui signifie « modèle » ou « exemple ». En épistémologie, il désigne un modèle cohérent s’appuyant sur une base théorique, une représentation du monde  reposant  sur un courant de pensée dominant. Ce mot[3] met en valeur l’ampleur de l’AC, phénomène dont l’envergure égale celle des grandes révolutions scientifiques nous dit l’auteur. C’est vrai : l’AC n’a rien de décoratif, on ne saurait le réduire à une mode, à un divertissement de nantis[4]. Mais quid de la nature du phénomène ?

Qu’il y ait trois paradigmes artistiques est une chose mais les trois sont-ils à mettre dans le même sac estampillé « art » ? Si le paradigme est une sorte de logiciel, on voit bien le logiciel classique, celui du moderne, mais le logiciel de l’AC ressemble furieusement à un virus qui parasiterait les deux précédents. Plus le lecteur avance dans le livre, plus l’auteur détaille les désorganisations opérées par l’AC (depuis les transporteurs ou les restaurateurs qui s’arrachent les cheveux, jusqu’à la transgression de la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande (qui ne joue plus puisque les vendeurs sélectionnent les acheteurs)….et plus le lecteur a l’impression de loucher : voilà quelque chose qui serait de l’art et passe son temps à désorganiser, et même à nier l’art ? La sociologue cite des témoignages : « On ne peut pas, si on est sérieux, faire comme si l’art contemporain ne posait au musée le problème même de son existence et de sa fonction », d’autres témoins  affirmant que « l’art contemporain rend fou », qu’il peut tuer « si on le voit sans y être préparé ». De ces « effet pervers » Nathalie Heinich  en retient deux principaux. D’abord le risque d’exclusion du public non initié ; la sociologue parle « d’endogénisation d’un système fonctionnant en vase clos », devenu socialement un monde à part alors que, géographiquement, l’AC s’est élargi à l’échelle mondiale. Enfin elle s’inquiète de la «  stérilisation des capacités créatrices des artistes car le milieu est très fermé sur lui-même ». Un art qui stérilise les capacités créatrices est-il encore de l’Art ?  Apparemment oui pour Nathalie  Heinich mais pas forcément pour un lecteur « non converti ».

Pour le dire autrement, les paradigmes classique et moderne risquent d’être repensés, réécrits, non dans leurs propres terminologies et systèmes de valeurs mais à partir du paradigme de l’AC qui s’avère dominant. Si cela était, le projet sociologique lui-même serait affecté par le jeu transgressif de l’AC. L’AC en viendrait à montrer les limites mêmes d’une sociologie qui prétend à une objectivité quasi scientifique la mettant à l’abri d’être contaminée par son objet. Et pourtant, n’est-ce pas ce qui s’amorce ?  Ainsi quand Nathalie Heinich définit l’Art moderne comme « mise à l’épreuve des règles de la figuration, assortie d’une impératif d’expression de l’intériorité de l’artiste », ces termes de « mises à l’épreuve » viennent du vocabulaire contemporain. Les modernes sont plutôt en quête de l’originel dans l’original, des élémentaux de l’art, d’un retour aux sources pour s’y revigorer [5]… l’abstrait est bien autre chose qu’un test de résistance des limites de la figuration.  De même, lorsqu’elle écrit que dans l’AC « ce qui est créé n’est pas tant une œuvre qu’une expérience », cette phrase a le mérite de montrer au lecteur la différence entre un « art » extrêmement protéiforme et les arts, classique ou moderne, essentiellement créateurs de tableaux et sculptures. Cependant, est-ce que cette formule ne reconfigure pas insidieusement l’esprit de lecteur ? En effet, dire que  l’AC crée des expériences à vivre plutôt que des objets,  mutile peintures ou sculptures de leur visée fondamentale : quand elles sont réussies, elles  ne sont pas que des  «objets de consommation visuelle » mais elles proposent, elles aussi, une expérience existentielle au spectateur ! En outre, une fois établit que l’AC fournit des expériences, en quoi ces expériences sont-elle d’art ? Ouvrir l’œil le matin est une expérience, lire le journal encore une… tout est-il de l’Art ? La sociologue opposera  que  l’AC est de l’art puisqu’il porte ce nom, qu’il se produit dans les lieux consacrés à l’art depuis toujours.  Peut-être faudrait-il s’interroger sur la fétichisation du mot « art » et se souvenir du proverbe : quand la chatte fait ses petits dans le four elle ne fait pas des gâteaux. C’est justement le rapport au musée qui dénonce, globalement, la nature extra artistique de l’AC : les œuvres classiques et modernes peuvent s’en passer. Un Rubens reste un Rubens même dans un grenier, sous un parasol ou sur une table de dissection. Un Matisse ou un Manessier[6] aussi. Or chacun  sait que l’urinoir de Duchamp (et nombre œuvres d’AC avec lui), hors du musée, deviennent, sans malice aucune, des débris ménagers.  Il y a là un différentiel, non de fonctionnement, mais de nature qu’apparemment la sociologie ne peut saisir : pour l’amateur de paradigme le « virus » est un logiciel comme un autre.

Historiens et sociologues, écoutent les discours, regardent les actes et leurs auteurs, mais l’historien d’art remet tout en perspective à partir des œuvres et dans la durée. Pour le sociologue, l’œuvre est une donnée parmi tant d’autres. L’historien d’art  voit donc avec étonnement certains modernes enrôlés dans l’AC par la sociologue : n’est-ce pas un peu rapide de mettre Buren et la Figuration narrative dans la même catégorie ? Nathalie Heinich s’appuie sur une déclaration de Télémaque  (lue à travers la grille du Contemporain) réclamant la fin de la peinture à l’huile. A l’époque, nombre de peintres de cette mouvance souhaitaient congédier la peinture « bourgeoise » pour créer une autre peinture. Ainsi les peintres du groupe DDP, un des acteurs de la Figuration critique, se pensent comme des modernes récusant l’AC officiel et financier, et exprimant ce refus dans de nombreux écrits et ce depuis des décennies[7].

Le chapitre consacré aux opposants critiques de l’AC  est succinct : des blogs peu actifs sont cités, d’autres très actifs ne le sont pas, toute une page est consacrée à un canular. Certes, ce n’était pas le sujet de l’auteur, qui est de définir le paradigme de l’AC, mais comme tout le livre montre que l’AC tend à déstructurer ce qui n’est pas lui et  à vivre  d’oppositions  … Si la sociologie est l’étude de la société, les victimes d’un paradigme ne font-elles pas aussi partie de la société ? L’outil « paradigme » montre alors ses limites ou son ambiguïté car il permet de ne pas identifier ces dernières comme telles, en disant que ce qui est vécu comme une agression[8] d’un côté du paradigme ne l’est pas de l’autre…

Ce livre, véritable radiographie de l’art dit contemporain, établie dans les règles (et les limites) de la sociologie, restera une somme incontournable. Ce dont se réjouissent les historiens dissidents  qui voient, après les journalistes[9], la sociologie  rejoindre une large part de leur diagnostic ….

Christine Sourgins

PS : les peintres sont invités à répondre à une petite enquête sur la Peinture en ligne sur le blog cliquez

[3]Nathalie Heinich a la passion du mot juste, on s’en convaincra à nouveau en lisant ses « Maisons perdues », éditions Marchaisse, 2013,  récit où  la sociologue cède la place à l’écrivain…

[4]L’efficience de l’AC inciterait plutôt faire un parallèle avec le monde technique.

[5] D’où l’ironie troublante  de Duchamp avec son urinoir appelé Fontaine …

[6] C’est par polémique qu’un adversaire de l’Abstrait rejetait une toile abstraite comme « non artistique », il savait très bien qu’elle postulait à la catégorie « art », il la récusait pour insuffisance : pour lui l’abstrait est la peinture moins la figuration, il lui manque donc quelque chose, à l’intérieur d’une définition commune.  Les toiles impressionnistes auraient été acceptées comme esquisses mais pas comme travaux accomplis : pour leurs adversaires, elles n’étaient pas assez artistiques mais les fruits pas assez mûrs restent des fruits. .Nombre d’œuvres d’AC, elles, sont indétectables sans les médiations afférentes, y compris pour des spécialistes …

[7]Mais Beaubourg, par exemple, refuse de s’abonner à la revue indépendante Ecritique : l’opacité que l’AC entretient autour de lui peut finir par fausser la recherche…

[8] Pierre Bourdieu avait abusé du concept « dominant/dominé » ce qui fut désavoué par d’autres sociologues, dont Nathalie Heinich cf son livre « Pourquoi Bourdieu » ; échapper à Charybde fait parfois tomber dans Sylla ( ?).

[9] Danièle Granet, Catherine Lamour , « Grands et petits secrets du monde de l’art », Fayard 2010.  Se demander pourquoi les historiens d’art dissident citent volontiers journalistes et sociologues, sans la même réciprocité, est un beau sujet de recherches pour les amateurs de « visibilité »…


Mardi 1er avril 2014

Info : Claude Lévêque va installer un volcan au Louvre : est-ce un poisson d’avril ? réponse.

Une nouvelle publication de :

Nathalie Heinich, «  Le paradigme de l’art contemporain – structure d’une révolution artistique », NRF Gallimard, 2014.

 Pour Nathalie Heinich, sociologue et directrice de recherche  au CNRS, l’art dit « contemporain »  est une catégorie générique et non pas chronologique ; elle en souligne les conséquences pour l’Etat qui soutient alors, non pas le meilleur de la création actuelle (l’art contemporain en général) mais le meilleur d’un genre (l’art d’une partie de nos contemporains, pour résumer : un art volontiers conceptualo-duchampien)[1].  Les pouvoirs publics ont donc fait un choix discriminant  qui  s’oppose  à leur vocation pluraliste. Voilà une vérité dont l’énonciation prouve un réel courage. L’auteur n’élude pas les faits dérangeants pour le milieu de l’AC, parfois agacé qu’une sociologue explicite ses règles de fonctionnement. Le livre dresse un constat détaillé, sans passion aucune : le livre s’ouvre sur la relation scrupuleuse du jury du Prix Marcel Duchamp, ce texte, petit chef d’œuvre de clarté, est la démonstration du désir d’objectivité qui anime son auteur.

L’AC connait « un glissement vers un marché de notoriété où c’est le renom de l’artiste qui sert de critère de jugement » dès lors, si les critères de jugement ne résident plus dans l’objet présenté mais dans la personne de l’artiste, dont on évalue  la cohérence interne de la démarche, Nathalie Heinich ne cache pas les risques de dérapages dont le copinage, qui peut affecter les commissions publiques. Elle évoque les conflits d’intérêt qui menacent, révèle que les grands centres d’art ont une comptabilité éclatée, ce qui permet de noyer bien des dépenses de coproduction.  Elle note aussi l’obésité des FRAC et n’ignore pas, en raison du principe d’inaliénabilité,  que les erreurs des institutions « sont gravées pour l’éternité dans le marbre des atteintes à l’intérêt général », belle image.

N. Heinich décrit un engrenage : il y a inflation des commissaires et autres « curators », qui sont tous en concurrence et donc engagés dans une course féroce à la nouveauté qui donne notoriété. D’où, du côté des artistes, une surenchère de transgression pour se faire remarquer, et, du côté des médiateurs d’AC, l’« acharnement herméneutique » soit l’inflation des discours légitimateurs. Afin de trouver de la chair fraîche pour nourrir l’AC, son personnel se tourne vers les jeunes ou l’étranger (là où l’on a plus de chances de trouver du nouveau). Or cette prime donnée aux jeunes revient à privilégier les activités conceptuelles car tout ce qui nécessite un savoir-faire demande, au contraire, un apprentissage, donc du temps. Rançon de ce jeunisme  qui mise tout sur les artistes « émergents » : si vous n’avez pas percé à 30 ans, mieux vaut changer de métier… Enfin la sociologue  repère les réticences de l’étranger face à des œuvres françaises d’AC qui, abondamment subventionnées, passent directement de l’atelier au musée sans affronter le marché. Jusque-là, le livre valide un constat qui a déjà été établi et publié, pour l’essentiel du fonctionnement de l’AC,  par les historiens dissidents[2]. Mais le mot paradigme va soulever des difficultés nouvelles.

L’auteur qui parlait jusqu’ici du « genre » de l’AC, préfère maintenant employer le terme « paradigme » plus ouvert car incluant les œuvres (ce que pointait surtout le mot genre) mais aussi les hommes, les contextes au sens large, tout ce qui organise ce monde de l’AC. Elle dégage trois paradigmes artistiques successifs : le paradigme classique (où le respect des canons est central) puis le paradigme moderne (où la recherche de singularité prime) et enfin celui de l’art contemporain qui, elle le dit en toutes lettres, se construit contre les deux paradigmes précédents donc aussi contre le paradigme moderne. Ce qui est valable dans un paradigme ne l’est plus dans un autre, et la sociologue a sans doute l’intention louable d’expliquer à chacun des tenants de tel ou tel paradigme pourquoi  ce qui paraît sublime dans l’un est ridicule dans les autres, bref d’apaiser  la querelle de l’art contemporain.

Mais la notion de paradigme permet à l’auteur tout un parallèle avec le monde scientifique, donnant à l’AC le titre prestigieux de « révolution » à l’égal de la révolution copernicienne par exemple. Or si la communauté scientifique use plutôt de raison et de démonstrations pour convaincre de changer de paradigme, Nathalie Heinich reconnaît que pour passer à l’ art contemporain, il n’y a « plus de preuve pour faire basculer d’un paradigme dans l’autre », et pour échapper au dialogue de sourd entre les tenants des différents paradigmes, elle écrit qu’il ne reste que  la conversion : de la science nous sommes  passés au religieux …

A suivre… Nous verrons la semaine prochaine que la notion de « paradigme » n’est pas si neutre …ni sans conséquences pour les non convertis à l’AC…

Christine Sourgins

[1]Nombre d’historiens appellent cet art dit contemporain,  l’AC, convention adoptée dans cet article pour éviter toute confusion avec «  l’art des artistes vivants » mais Nathalie Heinich maintient tout au long de son livre  le terme plus flou d’ « art contemporain ».

[2] La critique de l’AC, commencée avec Jean Clair, Laurent Danchin, J.F Domecq, Pierre Souchaud, François Derivery etc  continua avec Aude de Kerros « L‘art caché » Eyrolles, 2007, et Christine Sourgins « Les Mirages de l’art contemporain », La Table Ronde, 2005..


 

Mardi 25 mars 2014

Enquête sur la Peinture

Afin de poursuivre l’analyse et la présentation du milieu de l’Art, voici
5 questions qui s’adressent aux artistes peintres. Les réponses me seront fort utiles pour de futurs travaux. voir le questionnaire : cliquez

Si possible, merci de joindre un lien vers le site qui présente vos œuvres.

Les réponses au questionnaire sont à adresser à sourginsblog@orange.fr


Mardi 18 mars 2014

Vous avez dit Beauty ?

Après le peintre en bâtiment qui s’auto-proclame artiste peintre (voir dernier Grain de Sel) , voici une autre manière de détruire la peinture, cette fois avec les meilleures intentions du monde, lui rendre « hommage », et l’aide de la technologie.

Un réalisateur italien Rino Stefano Tagliafierro a réalisé une vidéo de dix minutes où une succession de tableaux s’animent : l’ensemble est titré Beauty, tout un programme ! Le résultat est époustouflant nous assure Le Point : « l’artiste plusieurs fois récompensé, utilise la technique du « cut-out », qui permet, grâce à un travail informatique long et méticuleux, de découper les personnages et, en fonction des mouvements souhaités, de reconstituer le décor derrière eux. Bluffant ».

http://www.lepoint.fr/culture/video-quand-l-art-prend-vie-21-01-2014-1782750_3.php

Mais si la peinture a besoin d’animation, c’est qu’elle est inanimée ; il lui faut donc une perfusion de vidéo, alors, comme l’écrit le Point « l’art prend vie ». Bref c’est une manière polie de nous dire que la peinture est morte.

Or à voir cet empilement de tableaux dont les protagonistes sont engagés dans un mouvement qui précède ou suit l’image arrêtée que serait  une peinture, on ressent plutôt de la frustration : si on transforme l’image en métrage c’est un peu court, cela donne aux peintures une somnolence  mièvre. Mieux vaut carrément faire du cinéma.  Pour les amateurs de peintures voilà  un gadget  qui débute  kitsch, un tantinet New-Age, et sombre in fine, dans le pathos le plus gore.  A quand la Victoire de Samothrace s’envolant à tire d’ailes, le Cri de Munch qui hurle, ou la Joconde qui éternue ? Le réalisateur n’a rien compris à la Peinture ou l’a désappris, ce qui arrive aux plus jeunes qui semblent, eux, apprécier cette vidéo.

Beauty est un contresens  sur ce qu’est la peinture qui n’est jamais la sélection du moment le plus représentatif d’une scène (quoique la peinture académique, bien représentée ici, ait souvent recherché cet Apax, d’où son côté théâtral). Une vraie peinture est une condensation, une intensification, en profondeur et non un jeu d’apparences. Elle se lit et se vit, non pas en fonction de ce qui vient immédiatement avant ou après mais par assonances visuelles, avec des correspondances culturelles, ou des renvois à une expérience personnelle du monde. Une richesse que seul un bon documentaire (voir la série Palette) ou un bon écrivain peut expliciter. Et devant lesquels cette Beauty prend l’allure d’un pastiche dérisoire ; pire, ce genre de vidéo confisque l’expérience profonde de la peinture au profit d’un divertissement de plus.
CS.


 

Mardi 11 mars 2014

« Donner moins à voir, pour penser plus »

Bernard Brunon a créé une entreprise de peinture en bâtiment considérée comme activité artistique : voilà une bonne idée. Un centre d’art déménage-t-il (comme actuellement  la galerie des Tourelles à Nanterre) ?

–  Allo, Bernard ? Pouvez-vous rafraîchir les murs, rendre les lieux présentables ?

Une galerie d’AC vient de perforer ses cloisons avec son dernier accrochage ?

–         Allo, Bernard, pouvez-vous nous reboucher les trous, pour la suivante ?

Bernard Brunon, qui se vante de ne séparer ni l’artiste, ni l’artisan, ni l’entrepreneur, a trouvé une « niche » comme on dit en termes socio-économiques.

Certains jubilent  rappelant que déjà « l’artiste du XVIe siècle est lié à la commande » et de célébrer «  un art ancré dans le quotidien ». Bernard va sus aux moulures et aux lambris, repeint les murs comme d’autres enfoncent les portes ouvertes mais on nous assure ce c’est un vrai peintre car « la peinture reste avant tout un recouvrement », une « performance à large échelle ». Il sait « peindre dans l’acte fondateur de la peinture, avant même la fresque, et après l’abstraction » car «  la toile renverrait encore trop à l’histoire que peut raconter le tableau, aux figures de la mimêsis, à ses avatars ». Reconnaissons-le, à côté des monochromes de  Bernard, le carré blanc sur fond blanc de Malevitch est d’un kitsch !

Bernard va donc à l’essentiel de la peinture qui est (je cite toujours)  « aller au bord »,  or le bord évoque …Debord ! Guy Debord prophétisa Brunon, en écrivant dès 1961 : «C’est dans le royaume du marginal et de l’insignifiant que commence toute critique du quotidien et donc toute critique de la réalité sociale». Ah, une critique ? Laquelle ? Celle des centres d’art dispendieux du bien public ? Celle du cynisme des « artistes » du circuit d’AC  qui concurrencent les petits artisans locaux ? Car voilà une «Entreprise générale de peinture», pour qui la seule intervention artistique pertinente c’est l’intervention  économique !  A quand les artisans boulangers, les maître- charcutiers subventionnés par les services culturels municipaux ? En tout cas, la critique ne paraît pas très assumée : Brunon signe ses murs de la même couleur que celle de la surface murale. L’artiste qui opère aux Tourelles de Nanterre aurait-il l’humilité des fresquistes romans, lui qui souligne modestement  que sa transformation en successeur de Léonard ne s’est pas faite en un jour ?  Au passage, ayons une pensée émue pour ce pauvre Claude Rutault qui peint depuis des lustres des toiles de la même couleur que le mur : un artiste officiel est toujours ringardisé par plus conceptuel que lui.

Nous aurons sans doute, lors du vernissage, un grand « moment de socialité » selon le jargon de l’AC. Est-ce qu’on aura une vidéo de ce énième Nanar contemporain ?  Pour que nos descendants puissent comprendre avec quoi  villes, départements, régions et ministère nous ont joyeusement endettés. Comprendre aussi que, lorsqu’on déplore la disparition de la Peinture, les sbires de l’AC protestent et citent ces purs génies du pinceau. Car le mot d’ordre de Bernard, « moins il y a à voir, plus il y a à penser », est un credo iconoclaste qui jette l’opprobre sur la Peinture dès qu’elle refuse de s’anéantir dans le minimalisme conceptualisant ou le « work in process », pour qui le processus (et le discours) compte plus que le résultat.

Christine Sourgins


 

Mardi 4 mars 2014

Comment se porte Madame Laculture, la culture officielle, en ce début d’année ?

Pas très fort : on déplore une vague d’iconoclasme ravageur. C’est d’abord au musée de Bari, une femme de ménage qui, fin février, a balayé une œuvre d’AC composée de bouteilles vides, de papier journal et de miettes de pain pensant qu’il s’agissait de détritus abandonnés par les personnes en charge de l’exposition. Or c’était une installation de l’artiste new-yorkais Paul Branca, qui avait pour ambition de sensibiliser le visiteur aux thématiques de l’environnement et de la surconsommation… On nous assure, pour justifier le préjudice de 10 000 euros, que l’assemblage est irrécupérable. Allons donc, Les Pouilles sont-elles si pauvres qu’elles manquent de détritus ? La femme de ménage mise hors de cause ne culpabilise pas mais confie sa tristesse (il se pourrait que ce soit son entreprise qui règle la note !).

Plus grave, une œuvre d’AC a été volontairement brisée, au Pérez Art Museum de Miami. La scène a été filmée et est visible sur internet (cliquez)

Ai Wei wei avait peint de couleurs vives une urne de la dynastie chinoise Han (206-220 avant JC), pour l’intégrer à sa série de Vases colorés, surmontée par trois clichés montrant l’artiste lâchant un autre vase Han qui se brisait au sol.  Provoqué par ces photographies, Maximo Caminero, un artiste né en République dominicaine, a expliqué avoir voulu l’imiter dans «un acte de protestation spontané», commis au nom de «tous les artistes locaux de Miami qui ne sont jamais exposés dans les musées de la ville».  WeiWei oscille entre l’indifférence « mes travaux sont très souvent détruits ou endommagés durant les expositions» et la réprobation « les raisons qu’il donne ne me semblent pas justes. Maximo Caminero ignorait le prix du vase, 1 million de dollars (730 000 euros). Le voilà « sincèrement désolé » et sur le point d’avoir de gros ennuis avec la justice.

Cet homme est 6 fois victime ;
1 – Maximo Caminero est exclu par l’AC, l’Art dominant mondialisé exclusif par nature. Hannah Arendt a montré que ceux qui prônent « tout est possible, tout est permis » sont des totalitaires. L’AC se réserve ce libertarisme sans frein qu’il refuse aux spectateurs.
2 – Maximo Caminero est trompé par un artiste qui banalise un vase Han en le peinturlurant  au lieu de le respecter ; Caminero peut même penser que c’est un faux vase Han pour que WeiWei l’ait traité de la sorte. Caminero pense s’en prendre à l’AC et il détruit un vase Han (soit dit en passant il y a bien, hélas, parfois et même souvent de l’art dans l’AC !)
3 – Maximo Caminero est incité à accomplir le geste qu’on lui reproche par les photos de WeiWei qui clament que de «nouvelles idées et valeurs peuvent naître d’attitudes iconoclastes» sic. Voilà qui montre que la catharsis, censée justifier toutes les folies de l’AC, n’a rien d’une panacée. Montrer un acte ne défoule pas toujours mais peut, bien au contraire, inciter à le commettre.

4 – Maximo Caminero est victime du musée qui valide : l’institution est complice du provocateur d’AC.
5 – Maximo Caminero est victime une seconde fois d’Ai Wei Wei auréolé de ses lauriers de « dissident » chinois, qui a juste une vison comptable de l’événement…Bref WeiWei n’assume pas, s’en lave les mains, n’est ni responsable ni solidaire. L’AC est censé être contextuel pourtant !

6 – Dernier préjudice, celui causé par la presse qui  présente  Maximo Caminero comme un vandale alors que c’est une victime, pire, presque un martyr de l’AC !

Cela méritait un comité européen de soutien et l’on demanderait à Pierre Pinoncelli, le briseur d’urinoir, de le présider, bien sûr !

Enfin, dernière iconoclaste en action, Rafaële Arditti propose une vision décapante de ces missionnaires de la culture réchappées d’un « comité d’Ethique et de Programmation ». La voilà accoutrée  en Madame Laculture, tailleur BCBG et nez rouge de clown, pendue au micro pour le lancement d’un projet de «  Création Artistique Innovante pour les Jeunes avec des Capacités Moindres et un Avenir Pourri en Milieu Scolaire Défavorisé ». Dans un décor digne de « l’esthétique aléatoire », Madame Laculture s’emmêle dans le fil de son discours et jargonne à loisir sur les « dispositifs installatoires et microphénomènes ». Sa fausse décontraction cache mal sa condescendance et son autoritarisme, tant il est vrai que  l’absurde suscite l’hystérie. Rafaële Arditti aime « décraquer » les mots (ah, ces buffets où l’on savoure des « cuisses de hareng cambrés » ), elle s’est inspirée de la prose des « Nuits blanches » et autres réjouissances de l’AC, mais aussi… des « Mirages de l’Art contemporain » comme elle le note très aimablement dans le CD de son spectacle.

Prolongations jusqu’au 15 mars, les samedis à 20h30, Au mouchoir de poche, renseignement, réservations obligatoires


Mardi 18 février 2014

Le Grain de Sel part en vacances…. quelques suggétions de lectures :

A signaler, pour ceux qui aiment l’Art brut, l’ouvrage de Laurent Danchin, l’incontournable pionnier français de  cet art « singulier », « hors-normes », le raw – art ou encore  l’art outsider, le Folk-Art..  Depuis  une  trentaine d’ années, Laurent Danchin observe et défend  ce qui fut longtemps  un « Art caché », snobé puis récupéré par  l’Art dit « contemporain », quand un habile marchand s’avisa de le monnayer ; l’amnésie des jeunes « spécialistes » faisant le reste…

«  Aux frontières de l’Art brut », (cliquez) paru chez lelivredart rassemble 109 textes ; l’auteur, qui a assuré le commissariat de nombreuses expositions d’art brut et /ou singulier, médite sur l’histoire, la sociologie, voire sur les implications philosophiques de  l’acte créatif. Une réflexion humaniste, aux antipodes des discours alambiqués comme des basses-manoeuvres financières ou carrièristes…

Et pour ceux qui s’intéressent à une philosophie engagée dans son époque :  Chantal Delsol, « Les pierres d’angles »  vient de paraître au Cerf. À quoi tenons-nous ? Quelles sont nos « pierres d’angle », ces principes auxquels nous sommes attachés presque à notre insu ?  Chantal Delsol poursuit la réflexion lancée avec son précédent livre « l’Age du renoncement »…voir le Grain de sel du 5 avril 2011

Bonnes vacances

Christine Sourgins


 

Mardi 11 février 2014

Retour sur l’exposition « Scènes roumaines »

« Dans cette exposition, l’image et la peinture sont prédominantes. Il ne s’agit pas d’un parti pris, mais plutôt d’un constat de ce qui nous a paru représenter la scène roumaine aujourd’hui » pouvait-on lire dans le catalogue de l‘Espace Vuitton qui présentait, en ce début d’année 2014, l’exposition  « scènes roumaines » composée, ô surprise, essentiellement de peintres. A la question « Pourquoi la pratique de la peinture est-elle prédominante ? Une contributrice répond :«  la peinture est un refuge, elle est une façon de combattre le système ». En Roumanie « l’art manque notamment de financement et d’institutions viables » et l’art, visiblement, ne s’en porte pas plus mal ; le catalogue pointe aussi «  l’illusion de diversité promue par les espaces centraux dédiés à l’art contemporain ». Vive les marges !

Nombre d’exposants viennent de La Fabrica de Pensule (fabrique de pinceaux) de la ville de Cluj, friche industrielle devenue pépinière d’artistes : celle-ci est « née de leur volonté de se réunir pour exister, de s’enraciner dans leur pays pour mieux communiquer avec le monde ». Pourrait-on écrire cela, aujourd’hui, de peintres français sans passer pour un affreux nationaliste, un suppôt de Satan ?

Le catalogue, ingénument, nous apprend que  « 5 personnes actives suffisent pour qu’on parle d’une scène », celle-ci est promue par un galièriste roumain, Mihai Pop, qui possède une galerie à Cluj et à Berlin. Comme La Fabrique s’auto finance par des ventes aux enchères, la mècène et collectionneuse Rodica Seward, entre en scène. Elle est en effet la présidente de la maison de vente Tajan. Comme c’est Rodica Seward  qui a déclaré «  la peinture est un refuge, elle est une façon de combattre le système », Vuitton et Tajan seraient-ils en train de rentrer en résistance ? Prenant acte de la bureaucratie culturelle française pour qui « nul n’est prophète en son pays », il s’agirait d’une stratégie de contournement du mal français qui réduit ses mécènes au rôle de pourvoyeurs de fonds! Nous avons vu (Grain de Sel du 28 janvier) à quel point l’Etat français vampirisait les subsides privés, empêchant le libre jeu de la diversité artistique. S’il est vrai qu’« une carrière ne peut pas rester confinée dans les frontières d’un seul pays », on attend une expo Tajan-Vuitton en Roumanie (ou ailleurs) des « scènes françaises » de la peinture. On verra.

Ce qu’on a vu surtout jusqu’ici c’est, par exemple, Mircéa Cantor, formé en France, prix Marcel Duchamp, alors qu’un atelier lui restait en Roumanie : faut-il féliciter cet artiste d’AC  de réussir « à exploiter l’intérêt de l’occident pour la périphérie »  ou bien en déduire que la dichotomie Est/Ouest a perdu sa pertinence dans la grande essoreuse de la mondialisation ?

« Une forte spiritualité se dégage de cette exposition ». Point de dithyrambes, restons simples : l’ensemble est inégal, même si on sent que, legs de la période soviétique, tous ces artistes ont bénéficié d’une transmission de la bases des techniques de la peinture.

Geta Brayescu adopte une esthétique « art brut »,  peut-être ce qu’elle avait de mieux à faire après une période où « elle peignait les yeux bandés »sic ;  Ioana Batranu nous torche des intérieurs à la Vuillard mais taille XXL : plus crouteux-baveux, tu meurs ! Bogdan Vladuta radote du Kiefer, Ciprian Muresan rejoue Le Gac sans le dire. Préférons le sobre Sergiu Toma ou Serban Savu qui héroïse le banal en adoptant un point de vue en surplomb, dans des lieux anonymes où se croisent les activités quotidiennes. La vie, les gens, c’est aussi le projet d’Oana Farcas, la seule femme consacrée de Cluj : une silhouette blanche et floue dans une entrée d’immeuble, une concierge peut-être, mais que la petite peinture transforme en apparition angélique. Tous pratiquent en somme une sorte de « réalisme post-socialiste ». Mircea Suciu montre plus d’ambition avec une peinture de citations qui convoque le torero mort de Manet ou les aveugles de Breughel : la grandeur des formats renforce le soupçon d’un artiste qui ne cherche que d’avantageuses postures. Simon Cantemir Hausi  avec “Back Yard Camping” évoque plus discrètement le songe de Constantin de Pierro della Francesca, et du coup, paraît plus sincère et habile.

Christine Sourgins


Mardi 4 février 2014

Découvrir Maurice Joron

L’ association Cap Aristée soutient le blog de Maurice Joron (cliquez)

Pourquoi s’intéresser au peintre Maurice Joron (1883-1937) ? Parce qu’hier explique aujourd’hui et que Joron est un des derniers maillons d’une chaîne qui va rompre. Il dispose d’un Espace au Musée Adrien Mentienne à Bry sur Marne, symboliquement sité à l’épicentre d’un problème récurrent : la concurrence peinture/photo. L’autre grand homme de Bry est en effet Daguerre, l’inventeur de la photo, beaucoup plus « tendance », tant la technique semble à nos contemporains plus prestigieuse que la main.

Joron n’ a jamais eu la prétention du génie, mais l’exigence d’être digne  d’une tradition picturale, celle qui scrute le réel commun. C’est dans cette tradition qu’on apprenait à voir le monde, comme à regarder les solutions des anciens, bref les bases du métier.  A partir d’elles, on fait ce qu’on veut : on continue, on essaye de dépasser, on décide de suivre une autre voie mais on a acquis les bases, qui forgeaient en outre une communauté de praticiens et de regardeurs. Son musée pourrait donc initier les scolaires aux fondamentaux de l’art pictural : à l’avenir le blog prévoit donc de mettre en ligne des fiches pédagogiques. D’ores et déjà ce blog prépare et complète la visite du petit musée.

Pour que naisse (de temps en temps) un génie, il est indispensable de maintenir un terreau favorable. Et ce terreau ce sont des peintres comme Joron qui aidaient à le constituer. Un peu à la manière des arbres que l’on plante pour éviter l’érosion des sols… Il a maintenu, tant qu’il a pu, une fonction sociale à la Peinture : le portrait… avant de souffrir, après la crise de 1929, de l’hégémonie de la photo. Le blog recherche des œuvres méconnues de Joron car nombre de familles, du côté de Vaucresson, Bry, Corbeil, Versailles ou Paris possèdent certainement de ses portraits….

C.S


 

Mardi 28 janvier 2014               
Mécénat, hold-up d’Etat ?   Lire la suite


 

Mardi 21 janvier 2014 

A signaler : une parution, la préface du catalogue « Au large d’Eden »  qui accompagne l’exposition d’Hélène Legrand ouverte ce jeudi 23 à Paris, Galerie Ad Solem.

Ce texte est pour moi l’occasion d’ouvrir des perspectives, de mettre en évidence quelques principes pouvant contribuer à restaurer l’art de la peinture.

L’art pictural est complexe  car il est  double : il y a d’abord l’art du peintre, bien sûr, mais qui n’ira pas loin sans celui, tout aussi subtil, de son regardeur.

Or l’art de percevoir la peinture  est mal en point : l’œil s’affaiblit, matraqué par les images mécaniques ou informatiques. Notre rétine  privilégie ce qui « flashe », nos pupilles butinent les images en un « zapping » incessant. Notre mémoire visuelle s’émousse… surtout chez les plus jeunes où un poisson est mémorisé comme un carré…La remarque vaut aussi pour les peintres qui sont eux-mêmes des regardeurs.

Beaucoup, repliés sur leur labeur, ont maintenant du mal à voir, (ne parlons même pas d’apprécier), toute peinture qui n’est pas dans leur lignée picturale, qui ne semble pas participer au même effort qu’eux.

Or que penserait-on de la biologie, si divisée comme le monde pictural est fragmenté,  les zoologues se mettaient à ignorer  les botanistes qui se gausseraient des médecins ? Et mieux vaut ne pas traiter de botanique avec des références issues de la zoologie….

L’un des premiers principes que le regardeur doit connaître est qu’il faut vraiment voir et même revoir. Donc on ne juge pas une peinture d’après des photos. Ces dernières  peuvent servir éventuellement à « pré-juger »…mais rien ne remplace le face à face direct avec le tableau en chair et en châssis….

Christine Sourgins


 

Mardi 14 janvier 2014

A propos de la conférence inédite du  jeudi 16 Janvier 2014,  Les artistes dans la tourmente : peinture et totalitarismes.

«  Matisse planqué, Derain collabo, Picasso résistant…» ? C’est vite dit : certaines réputations sont surfaites et d’autres à recadrer. Car les artistes modernes (tels Breton et les surréalistes) en prenant position par le biais de manifestes, sur l’art et la société, la peinture s’est  retrouvée dans la tourmente des totalitarismes.

 Pour prendre un exemple qui ne déflore pas le sujet, quelques mots sur l’écrivain et collectionneuse Gertrude Stein. Lors de la grande exposition qui lui a été consacrée à Paris, au Grand Palais, en 2011, tout s’est bien passé, les Français,  qui ont quelques carences en histoire de l’art, n’ont pas bronché. Pas de vagues en France, tout va bien.

L’exposition traverse l’Atlantique pour venir au Met de New York. Là protestations des officiels, des mécènes et surtout du public : l’exposition ment par omission. Les américains, curieux d’art et d’histoire,  ont lu un livre paru aux presses universitaires de Columbia sur Gertrude Stein et son ami Bernard Fay (qui  avait enseigné en cette université Columbia, à New York). Notez qu’en France nous avions eu, en 2009, une biographie du même Bernard Fay par Antoine Compagnon,  donc normalement tous les éléments pour s’interroger.

Ce qui a décoiffé les américains ? Apprendre que Gertrude Stein, sous l’Occupation, traduisait et préfaçait les discours de Pétain, qu’elle était très amie avec ce professeur au collège de France (qui était aussi son traducteur), Bernard Fay, qui s’est distingué par son zèle pour appliquer les mesures antisémites de Vichy et qui a pratiqué la chasse aux francs-Maçons dans l’administration. Toutes choses qui ne sont pas très politiquement correctes. Surprise, donc, de voir Gertrude Stein, si novatrice en littérature, la plus précoce collectionneuse des avant-gardes artistiques, avoir un tel comportement. Ses biographes lui ont cherché des excuses : en tant que juive et homosexuelle, elle avait dû faire ces concessions pour survivre sous l’Occupation, mais d’autres ont rétorqué que l’argument ne tient pas. Plusieurs fois, après juin 40, il lui a été proposé de quitter la France, ce qu’elle a toujours refusé…

Rien n’est simple…comme dirait Sempé !

Christine Sourgins


 

Mardi 7 janvier 2014

Un nouveau lieu pour les conférences (dès février), des expositions, des publications, un voyage en  » Patagonie » cliquez…voilà des projets pour 2014 : une année pleine de sel !

0-Voeux-2014Le discours officiel change. Longtemps la culture fut accusée de coûter cher et de ne rien rapporter. Or voici que, en ce début d’année, même la télé se fait écho de ce genre de communiqué : La culture contribue pour 3,2% à la richesse nationale (PIB), représentant 58 milliards d’euros de valeur ajoutée, presque autant que l’agriculture et les industries alimentaires, souligne une étude conjointe des ministères de l’Economie et de la Culture.

Elle emploie quelque 670 000 personnes, soit 2,5% de l’emploi en France. En tête des secteurs culturels, le spectacle vivant représente 8,8 milliards d’euros et le patrimoine 8,1 milliards. Les arts visuels et la presse génèrent chacun 5,7 milliards de valeur ajoutée. Viennent ensuite le livre (5,5 milliards), l’audiovisuel et la publicité (5,1 milliards chacun), l’architecture (4,4), le cinéma (3,6), les industries de l’image et du son (3,4), l’accès au savoir et à la culture (2,3). L’intervention de l’Etat dans le domaine de la culture et de la communication s’établit quant à lui à 13,9 milliards d’euros.

Il est amusant de constater le mélange des « Arts visuels » avec la  « presse », de voir la publicité comme les « industries de l’image et du son » rangées sans vergogne dans la culture  … Ou situer le peintre, le graveur ou le sculpteur ? Pas assez productif  ? Il va falloir être vigilant : les discours changent mais peut-être pour tout reste en place. Ce communiqué de l’AFP peut fort bien augurer de cette redéfinition : « est culturel ce qui est rentable »…

Christine Sourgins