Le Louvre avait décidé de fêter les 30 ans de la pyramide de Pei grâce à JR qui se définit comme un « artiviste urbain ». Bonne idée, le voilà qui mobilise de petites mains collant une mosaïque d’affiches au sol, pour donner, l’impression d’une excavation mystérieuse. Sur nos écrans, l’ensemble est saisissant, poétique, la pyramide semble s’enfoncer dans le sol ; le public se dépêche d’accourir car l’œuvre, inaugurée le vendredi soir, doit être visible jusqu’au lundi matin, or, déception, sur place on ne voit rien ou presque. Parce que l’œuvre a été conçue pour un seul et unique œil, celui de la camera perchée sur le pavillon Sully. C’est pourquoi l’artiste ne s’est pas donné la peine de recouvrir l’arrière des pyramidons qui sont invisibles pour l’œil électronique photo cliquer. L’œuvre n’est donc pas faite pour l’œil humain et le grand écran censé donner sur place une vue d’ensemble n’offre qu’une bouillie visuelle, la faute à la pixellisation jointe à l’effet du soleil. Si, in situ, l’œuvre est incompréhensible, est-ce donc encore de l’art ou juste de la com ? Pire, l’œuvre se dégrade à grande vitesse. Le public se sent joué, rabaissé à l’état de figurant berné, réduit à lever les bras pour s’apercevoir, difficilement, sur l’écran. Dimanche en début d’après-midi, règne une impression de saccage, de saleté : du papier déchiré traînant partout comme si des casseurs venaient de sévir, « des Gilets jaunes venus la veille ? » doivent se demander les touristes étrangers. Une passante trouve le mot juste : « C’est crasse-pouille ! » photo cliquer . L’artiste se défend et tweete : « l’œuvre d’art a une vie à part. Le soleil a asséché la colle légère et, avec chaque pas, les gens ont déchiré des morceaux du papier fragile. Ce processus n’est que participation de volontaires, de visiteurs et chasseurs de souvenirs». Soit l’air connu de « ah, ces ploucs qui ne connaissent rien au concept d’art éphémère ! ». Le problème est que les ploucs financent et estiment de pas en avoir eu pour leurs impôts, (pas plus que les bénévoles n’en ont eu pour leur peine). Une œuvre éphémère ? Banco, mais que la rétribution de l’éphémériste soit cohérente alors, évanescente elle aussi. L’honneur d’avoir eu le Louvre comme terrain de jeu, de l’avoir dégradé aux yeux des visiteurs étrangers, exigerait plutôt que ce soit JR qui dédommage le Louvre.
Autre déception et trompe l’œil pyramidal : l’expo Toutankhamon où les objets attendus sont aux abonnés absents (y compris le masque plastronnant sur l’affiche !). L’ambiance ludique vise plus au divertissement qu’à la restitution d’une civilisation radicalement autre que la nôtre, qui s’arrête au selfie avec Osiris. Dernier trompe l’œil, celui de l’humanisme cool de Jeff Koons. La main sur le cœur, de bonnes âmes nous avaient assuré que l’atelier de l’entrepreneur Koons ne faisait que prendre la suite de ceux de Rubens ou Rembrandt. C’était, voulait-on nous faire croire, une même histoire de maitre et disciples qui continuait. Outre que ce bobard était déjà démonté (cf « Les mirages de l’Art contemporain », édition 2018), Jeff Koons vient de tomber le masque en licenciant massivement ses employés pour les remplacer par… des robots ! plus d’infos Qu’on ne vienne plus nous dire que l’AC et son Art financier sont dans la suite de l’Art !
Christine Sourgins