Nous aimerions tous que 2021 soit meilleure que 2020 mais le doute s’infiltre. Pourtant, l’art très, trop contemporain, a peut-être la clé de la poisse, que dis-je, de la guigne gouvernementale. Le président Macron, empêtré en 2020 dans les masques et les tests, commence l’année en s’emmêlant non les pinceaux mais les aiguilles, or l’explication de cette malédiction récurrente est peut-être sous ses pieds : dans son bureau, Macron foule régulièrement un soleil noir. Soit un tapis de laine ainsi baptisé et qui représente un énorme lustre en cristal. Comment le pourfendeur des Amishs peut-il choisir une vieillerie en cristal au lieu d’une LED ? Mystère, mais le problème n’est pas là. Le tapis est signé d’une star, d’un monument de l’Art contemporain français : Claude Lévèque. Or, ce poids lourd artistique est maintenant accusé de viols sur mineurs. Que l’ombre de la pédophilie (apparemment auto-justifiée en louable révolte contre l’ordre moral) plane sur l’Elysée en indispose beaucoup qui suggèrent l’éviction du tapis maudit au Président. C’est en effet en trônant sur ce soleil noir qu’il avait répondu à la première grande interview télévisée de son quinquennat, en octobre 2017 (dixit Le Point). Il n’est pas sûr que nos dirigeants aient encore le sens du symbole mais celui des sondages fera peut-être le même effet. Souvenez-vous, Lévêque avait eu les honneurs de l’Opéra de Paris durant l’année 2019 et le droit de garnir le Grand escalier de deux énormes pneus dorés : qui a décidé ? Sur quels critères ? L’omerta cessera quand, en matière de subventions, la France arrêtera d’être une république bananière : ah, si cela pouvait être en 2021 !
Le pourrissement des élites n’est, hélas, pas un simple délire « populiste » ou complotiste. Sans revenir sur l’affaire du puissant Olivier Duhamel, qui vient d’être convaincu d’inceste, révélant au passage l’omerta de l’intelligentsia, Sciences Po compris (voir les révélations de l’ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti), cette déliquescence est aujourd’hui incarnée, involontairement, par l’œuvre phare de la biennale de Venise 2019 : « Barca nostra ». Cette carcasse d’un chalutier, en sombrant en 2015 avait entrainé la mort de 800 migrants, elle fut renflouée à prix d’or ( 33 millions d’euros dit Le Monde (1)!) et transportée pour être exposée à la Biennale par l’artiste suisse Christophe Büchel. L’œuvre se voulait le symbole culpabilisant « d’une politique migratoire européenne défaillante »sic. L’ennui est que l’œuvre devait ensuite être rapatriée à Augusta en Sicile dans un jardin à la mémoire des victimes : le bateau avait été prêté à l’artiste à condition de le ramener à ses frais. En 2021, tout le monde se renvoie l’épave, la Biennale, l’artiste spécialisé dans les projets démesurés, sa galerie zurichoise Hauser et Wirth, la compagnie de transport etc. La splendeur vénitienne hérite d’une carcasse pourrissante car « un destin compliqué » en a décidé autrement dit une journaliste : doux euphémisme pour désigner une incurie générale.
En 2019, devant l’épave, les visiteurs faisaient des selfies et buvaient des spritzs. Le Corona a provoqué le report de la Biennale d’architecture de Venise 2020 à 21, entraînant celui de la Biennale d’art en 2022. Nous échapperons donc cette année à ce cocktail toxique : divertissement, plus investissements, avec un zest de droits de l’homme, le tout bien agité par le shaker de l’AC, l’Art qui se dit contemporain.
Comme bonne nouvelle pour commencer l’an neuf, c’est peu mais c’est un début…Bonne année quand même !
Christine Sourgins
(1) « L’épave Barca Nostra », Isabelle Mayault, Le Monde M, le Mag, 31/12/20