Tout peut sortir…

28 mars 2017

La révélation (obligatoire) du patrimoine des candidats à la présidentielle a beaucoup fait jaser. Mais qu’en est-il du nôtre ? Il subit de sérieuses vicissitudes qui n’ont pas l’air d’affoler la bonne presse. Didier Rykner, (site la Tribune de l’art) a fait les calculs dès septembre dernier. Pour la dotation des monuments historiques et par rapport à 2012,  il constate une légère baisse de 1,8%. Pour le budget des musées (hors acquisitions) celle-ci  s’accentue à 4,6% mais les acquisitions de ces musées sont en chute libre : moins 40,7%… D’où des réflexions désenchantées lors de la dernière foire de Maastricht : « Une fois de plus hélas, on y constate la véritable hémorragie de chefs-d’œuvre que connaît notre pays.. Un fonctionnaire du ministère de la Culture nous a même dit que la consigne – non écrite, mais présente dans tous les esprits – de la direction des Patrimoines était désormais : tout peut sortir. ». Quelques exceptions viennent infirmer cette règle, comme certains arbres cachent la déforestation : on fait mine de retenir un Vinci ou un Caravage, et le reste peut partir à vau-l’eau.  Bref, la devise chère aux physiocrates du XVIIIeme siècle, « laisser faire, laisser passer », est plus que jamais à l’ordre du jour.

Paris semble particulièrement en pointe dans cet ultralibéralisme culturel ravageur. On se souvient des serres d’Auteuil « déconstruites » comme le dit élégamment le directeur général de la Fédération Française de Tennis, condamnées à périr pour que le business de Roland-Garros s’étende. La Tribune de l’art se fait l’écho d’un projet, sur l’Ile de la Cité, qui ne viserait rien moins qu’à raser le charmant marché aux fleurs pour le remplacer par des verrières new look géantes et flambant neuves. Voilà de la reconstruction, voire du vandalisme, camouflés par la jolie formule de « rénovation ». Ces authentiques halles métalliques de la fin du XIXe ne demandent qu’à être restaurées. Mais nos édiles sont toujours avides de « poser de grands  gestes architecturaux » alors que le même rapport stipule « Il est naturellement exclu pour d’évidentes raisons, d’ajouter de nouveaux bâtiments sur l’île ou de construire en hauteur. ». Ce jeu du « j’affirme une chose pour mieux faire le contraire », Rykner l’appelle « Hidalgoïsation des esprits ». Mais celle-ci n’est pas limitée à un parti politique : le maire de St germain en Laye ne vient-il pas de faire raser (pendant les vacances ) des arbres plantés par le Nôtre pour le passage de ce que certains, désormais, nomment « le tramway de la honte » (« 15 minutes à pieds, 13 minutes en tram » ; pétition cliquez ) ?

Pour la Tribune de l’Art, les chiffres publics, assez facilement disponibles en ligne, « démontrent, sans l’ombre d’un doute, que le quinquennat de François Hollande a été sur le simple plan budgétaire dévastateur pour le patrimoine ». Le plus drôle est que la France et l’Italie ont, cette semaine, défendu un texte à l’Onu qualifiant la destruction du patrimoine culturel de «crime de guerre»… !

De mensonges en faux semblants, alors, oui, c’est vrai, tout peut sortir… mais aussi des urnes…

Christine Sourgins