Vous avez dit « patrimoine » mais lequel ?

13 septembre 2022

Le samedi 17 septembre, les journées du Patrimoine  fêteront nos 44 000 monuments inscrits ou classés, la moitié appartenant à des particuliers. Si 20% sont profondément dégradés, 7% en péril, l’Etat ne consacre que 320 millions d’euros à son patrimoine,  moins de 10% du budget de la Culture,  soit 7200 euros par an et par monument historique !  Or l’Etat sait être dépensier,  implanter (y compris de manière pérenne) des installations d’AC privatisant le bien commun historique, en faveur d’un artiste international, de son réseau de galeries et de collectionneurs ( et souvent en dehors des procédures républicaines, dont le concours). Mais en matière de restauration, il est « d’une étonnante pingrerie »(1) qui explique pourquoi nos cathédrales  brûlent. Le plus inquiétant étant l’incapacité de la machine administrative dans l’entretien quotidien, peu spectaculaire et pourtant indispensable pour éviter  drames et dépenses pharamineuses ultérieures : car c’est bien la gouttière débouchée qui évitera l’infiltration d’eau puis l’effondrement des murs. L’Etat peine à comprendre  que patrimoine égal investissement plus « attractivité territoriale » : aux  métiers d’arts s’ajoutent les emplois indirects (hôtellerie, tourisme etc.), soit près de 500 000 emplois directs et indirects.

Cette année, nouvelle infiltration de l’AC (l’art officiellement « contemporain »)dans le patrimoine : la  Maison du Chaos s’est glissée dans les journées du patrimoine, qui plus est « durable », puisque c’est le thème 2022. Située au nord de Lyon, crée par un « artiste » millionnaire et fondateur d’Artprice, une plateforme au cœur de l’Art financier, son décor macabre, entre accidents et paysage de guerre, a saccagé à sa naissance un patrimoine XVIIème ( au grand dam de l’édile du lieu qui intenta un procès, en vain). Le chaos (dé)construit à prix d’or (plus d’infos, cliquez ici, pour lire un ancien article) s’officialise donc « valeur patrimoniale ».

On préférera saluer le travail de la  mission de Stéphane Bern, dont la cinquième édition ajoutera une centaine de monuments aux 745 édifices déjà aidés grâce aux gains du traditionnel jeu de grattage. L’avidité de Bercy commença par ponctionner cette manne qui, devant le tollé, fut restituée sous forme d’aides de l’Etat, fléchées vers les monuments de la mission. Plus de la moitié des projets ne nécessite pas 250 000 euros et seuls 4 % demandent plus d’un demi-million de travaux ; certains, comme le bijou roman  du  prieuré de Saint-Romain-le-Puy (42) seront sauvés avec 70 000 euros : la mission Bern n’est pas une perfusion supplémentaire de l’État, mais un catalyseur fédérant mécénat et partenariat autour d’un projet bien mené. Loin de se cantonner aux châteaux et aux églises, comme certains le craignaient,  la mission veille aussi sur le patrimoine industriel ou militaire,  la dimension écologique des chantiers n’étant pas absente : ainsi le château de Bouillancourt-en-Séry mise sur l’installation et les formations en permaculture, plus des chambres d’hôtes gérées par une entreprise d’insertion de l’Économie sociale et solidaire.  « Avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple « ( Renan).

Belle rentrée à tous !

Christine Sourgins

(1)Christophe Tardieu, David Lisnard, « La culture nous sauvera », L’observatoire, 2021, p.58.