Monet mystique ?

2 mai 2017

En ces temps d’agitation électorale, le musée d’Orsay propose de prendre de la hauteur avec  « Au-delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky » : au menu de cette exposition, la redécouverte de certains chef d’œuvres et  la découverte de  peintres canadiens, peu connus en France. Elle a malheureusement un petit parfum « nouvel Age » où tout est dans tout et réciproquement. Que Kandinsky se soit préoccupé du spirituel dans l’art, c’est avéré mais Monet ? Les critères de sélections des tableaux réputés mystiques intriguent. La première salle nous accueille avec la série des cathédrales de Monet. Suffit-il qu’un tableau montre une église pour être religieux ou même spirituel ? N’y aurait-il pas confusion entre le sujet et le sens de l’œuvre : une ode au soleil et à sa très matérielle splendeur qui ronge les pierres avec gourmandise. A la différence de Cézanne, le père Monet n’est pas très pieux… Monet a pu voir Turner, mais l’aspect visionnaire de ce dernier ne l’intéresse guère : c’est un réaliste.  C’est pourquoi Odilon Redon trouvait l’Impressionnisme « bas de plafond »; si les symbolistes et les Nabis ont visé un renouveau du mysticisme en art, c’est bien qu’ils ne se satisfaisaient pas du type de communion avec la nature instaurée par l’Impressionnisme, assez hédoniste en fait. Toute communion n’est pas mystique ou alors les meetings électoraux sont peuplés de mystiques qui s’ignorent.

Certes, libre à nous d’en déduire que, engagé à poursuivre les palpitations de la lumière sur une façade, Monet peint de facto l’immanence du divin dans la nature (mais pourquoi écrire que Monet « provoque un sentiment de transcendance », soit précisément le contraire ?) Orsay, à vouloir trop prouver, tombe dans le ridicule : «  les meules, par exemple, peuvent être vues comme une métaphore de la vie, dont la lumière change selon la période. »sic. Il est vrai que depuis que les musées ont sacralisé un urinoir, tout, absolument tout, peut y devenir métaphore de la vie…

Un tableau de guerre montrant des soldats de 14-18  dans une tranchée relève-t-il du « mystique » ?  Cette « mystique sans la foi » derrière laquelle se retranche le musée, pourrait bien cacher le « sublime » dont on sait les affinités avec le danger. Mais le plus souvent cette déferlante « mystique » comble  tout simplement la disparition d’une catégorie séculaire de l’esthétique: la poésie.

Bien des tableaux de l’expo suscitent émotion, apaisement, sens du mystère : ils sont tout simplement poétiques, d’une poésie méditative,  mélancolique, ou autre car la poésie se teinte, selon les oeuvres, de maintes nuances, mysticisme compris. Mais elle n’implique pas forcément de tutoyer les anges, le Père éternel ou madame Blavatsky, même si l’influence de la théosophie à cette époque est indéniable. Il est à craindre que, chez certains institutionnels, la perception du passé ne soit désormais faussée par l’hégémonie d’un certain art dit « contemporain », l’AC,  dont la poésie n’est pas le souci premier, carence qui aveugle sur les complexes richesses d’hier.

Monet, mystique ? Les impressionnistes ne faisaient pas tourner les tables, ils déjeunaient dessus !

Christine Sourgins